Quelquefois, entre deux frags, entre deux décapitations ou vols à la tire, ça fait du bien de se poser dix minutes pour se décharger l'esprit et se laisser aller au vagabondage de l'ùme. Animal Crossing fait partie des titres qui répondent à cette demande. Pourtant, c'est sur le Playstation Network, lieu assez inattendu pour ce genre d'expérience, qu'a choisi de débarquer Flower, le nouveau projet de Jenova Chen.
That Game Company, pour la petite histoire, est un studio dépendant de SCEA Santa Monica, déjà responsable du cultissime God of War. Je le précise comme ça parce qu'à premiÚre vue la filiation n'a pas l'air évidente. Comme quoi on peut produire un gros blockbuster gore à souhait et mener de front des projets plus intimistes.
Flower est avant tout un total ovni vidĂ©oludique, comme seuls le PSN, le XBLA ou mĂȘme le WiiMare peuvent en proposer. En effet, comment financer et distribuer des projets trĂšs dĂ©calĂ©s dans ce contexte concurrentiel et Ă©conomique? Peut-ĂȘtre est-ce lĂ la plus grosse rĂ©volution des consoles next-gen aprĂšs tout...
Expliquer Flower relÚve de la gageure. Basiquement, on pourrait dire que vous dirigez le vent grùce à la sixaxis et son détecteur de mouvements. A partir de là , imaginez une fleur qui se trouverait sur la trajectoire de ce vent, imaginez un de ses pétales entraßné vers une fleur suivante, et ainsi de suite. Rapidement, vous vous retrouveriez avec des dizaines, des centaines de pétales entraßnés dans un ballet fou.
On peut dire que le jeu de That Game Company est à peu prÚs ça, la magie en moins. Je dis la magie car on marche constamment sur des oeufs lorsqu'on aborde le terme de poésie, à la mode depuis les productions de Fumito Ueda.
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Dieu. On ferme sa gueule et on se prosterne |
J'aurais l'air ridicule à parler de sensations ou de sentiments avec un jeu pesant trois cent mégas et payé huit euros et pourtant je prends ce risque. Car au delà du concept, Jenova Chen a su insuffler ce je ne sais quoi à son titre qui font les grandes expériences vidéoludiques.
L'interface est minimaliste, l'Ă©cran d'accueil se rĂ©sume Ă un rebord de fenĂȘtre, une seule touche est nĂ©cessaire pour jouer, et pourtant Flower a une immense personnalitĂ©. Ce rebord de fenĂȘtre est une mĂ©taphore, pour projeter le joueur au fond de ses sentiments les plus profonds. Au-delĂ de ce rebord de fenĂȘtre se trouve une ville grisĂątre, la froideur de l'environnement urbain.
Cela est censĂ© reprĂ©senter nos moments de cafard j'imagine, nos instants de mĂ©lancolie, comme lorsque assis sur le banc du LycĂ©e nous laissions notre esprit vagabonder en perdant notre regard par la fenĂȘtre. Tout d'un coup, on ne pense plus Ă rien, mĂȘme dix minutes, et l'aventure de ce pĂ©tale nous semble ĂȘtre la porte vers une Ă©vasion pourtant impossible de prime abord.
Pas difficile, sans limite de temps, sans HUD, sans highscore, Flower est Ă l'opposĂ©e de tout ce qui fait le jeu vidĂ©o. Peut-ĂȘtre parce que cette expĂ©rience transcende ce mĂ©dia? Imaginez Shadow of the Colossus, mais sans colosse, sans Wander, sans cheval, mais juste avec les vallĂ©es et le vent.
Au niveau de la sensation c'est peut-ĂȘtre le descriptif qui se rapproche le plus, mĂȘme s'il n'est pas sans rappeler non plus, mais alors de façon lointaine, un certain Okami pour ce qui est du fait de recolorer le monde parcouru.
Car s'il fallait trouver un but pour faire rentrer Flower dans les cases toutes faites des catégories du jeu vidéo, ce serait celui-ci: vous franchissez les niveaux en allant de fleur en fleur et profitez des modifications du décor naissant de vos exploits. Les arbres reprennent des couleurs, les prés se colorent, les maisons se redressent... c'est comme si vous redonniez la vie.
D'ailleurs, et sans spoiler outre mesure, le gĂ©nĂ©rique de fin est sans doute le moment le plus touchant du jeu, puisque c'est la premiĂšre fois de mĂ©moire de joueur qu'un titre nous "oblige" Ă connaĂźtre tous les dĂ©veloppeurs responsables du jeu. Dans cet ultime niveau, chaque fleur porte le nom d'un membre de l'Ă©quipe, et les lettres se mĂȘlent au ballet de pĂ©tales, au fur et Ă mesure que l'on progresse dans ce gĂ©nĂ©rique pour le moins original.
PSN oblige, Flower est court, avec à peine six niveaux (sept en comptant les crédits) vite expédiés de surcroßt. On se rend donc compte avec encore plus d'évidence que Flower n'est pas un jeu. C'est une tranche de vie, une tranche de nature, presque écolo. C'est une expérience à vivre entre deux autres jeux, deux autres activités, cinq minutes salvatrices de satisfaction béate. Le paroxysme du contemplatif.
Le revers de la médaille, c'est que ce soft ne parlera qu'aux plus poÚtes d'entre nous, les autres passant totalement à cÎté d'un trip, il faut bien le dire, trÚs spécial. Néanmoins, cette production a le mérite d'exister et ça c'est déjà extraordinaire en deux mille neuf, alors que l'offre vidéoludique a tendance à s'uniformiser. De quoi prendre une bonne bouffée d'oxygÚne en attendant la prochaine oeuvre de la Team Ico.