Comme une confession du dimanche matin avant une nouvelle semaine de débauche, Sony sort en 2002 Ico, caution artistique de la PlayStation 2.
Préambule
Art, dites vous ? Autant évacuer le sujet d’entrée, qu’on se sente plus à l’aise pour la suite : non, Ico n’est pas une œuvre d’art. Ni même un jeu poétique, adjectif qui précède ICO avec autant d’assiduité que Milou devant Tintin. Si le titre n’est pas dénué de qualités artistiques, on y reviendra, il n’en reste pas moins un jeu vidéo avec trop peu de recul sur le média pour qu’on lui prête une prétention que son créateur lui-même n’a pas.
S’il vous plaît… dessine-moi un mouton noir
Banni de son village, enfermé dans un château à la taille démesurée et étrangement vide, le héros se prénomme ICO, jeune garçon cornu. Il sera rapidement accompagné par Yorda, jeune fille à la blancheur évanescente, elle aussi retenue prisonnière dans ces lieux hostiles. Inséparables par la force des choses (si vous la laissez seule trop longtemps, Yorda est enlevée par les ombres peuplant le château, et la partie se termine), les deux gamins n’auront qu’une obsession : s’enfuir, pour sauver leur peau et se construire, envers et contre tous, un avenir.
Justement, tout le jeu repose sur la relation entre ces deux personnages. Du point de vue du gameplay, tout d’abord, puisque vous disposez d’une touche pour appeler Yorda, puis lui prendre la main pour qu’elle vous suive. Vous vous en doutez, certaines séquences de jeu sont conçues autour d’un éloignement forcé, que vous devrez limiter dans le temps. Plus important, l’ambiance du jeu, et c’est ce qui fait son charme, tient également à la progression conjointe d’Ico et de Yorda. Rapidement, vous vous sentez pleinement responsable de ce qui peut arriver à votre comparse, vous en voulez de la brusquer en courant, vous réjouissez de la rattraper in extremis lors d’un saut un peu court, vous émerveillez en la voyant jouer insouciamment avec les oiseaux alentours.
|
De beaux croquis... pour montrer que les mécaniques de jeu sont pompées sur la concurrence |
Le jeu réussit ainsi à rendre à merveille la relation entre nos deux héros, ressentie presque physiquement, et c’est là sa principale réussite. Sa limite première également, puisque cette réussite émotionnelle se fait au détriment du gameplay, en vous imposant une contrainte dont vous vous lasserez rapidement. S’occuper constamment de Yorda, c’est comme emmener sa petite sœur à l’école : on aurait mieux à faire, c’est long, lent et fastidieux, cette petite peste vous écoute une fois sur deux, et il ne faudra pas une heure pour que l’envie de la jeter sous un bus vous étreigne. Et pourtant vous le faites, presque de bon cœur, sans même savoir pourquoi.
ICO the Dolphin
Concrètement, on alterne puzzles géants (mais vraiment) et combats foirés (mais franchement). Attention, toutefois, à ne pas chercher un level design innovant dans ce titre : vous aurez droit à tous les poncifs du genre, des bombes aux torches, en passant par les jeux de lumière et les caisses à tirer (nouveauté importante : pour rendre plus crédible le tout, les caisses en question sont maintenant munies de poignées… ce qu’on appelle la patte Ueda, sans doute). D'une manière générale, l'originalité n'est pas la qualité première du jeu, à l'image des ombres, en fait les monstres d’Heart of Darkness - grand jeu, qui eu le bon goût de bider, ce qui rend discret le plagiat.
L’ensemble, d'un bon goût général assez rare dans le jeu vidéo, se révèle malheureusement trop facile, la faute à une caméra faussement libre qui vous indiquera judicieusement le chemin à emprunter, et bien court (compter cinq ou six heures, sans se presser).
|
La bande originale du jeu. 14,90 € chez Nature et découvertes |
Un mot pour finir sur l’ambiance sonore du titre. Les compositions musicales, signées Michiru Oshima, sont splendides, ce qui vous fera d’autant plus regretter de ne jamais les entendre. Au lieu de ça, vous profiterez de bruitages détentes pour citadins stressés. Dommage.