Jeu majeur de la rentrée sur PC et consoles, Bioshock est un FPS que l'on qualifie régulièrement d'original. Il a la lourde charge de succéder à System shock 2, un obscur FPS PC. Personne n'a jamais vraiment su ce que c'était, mais c'était paraît-il mémorable ! Sur le plan marketing, Bioshock est déjà bien plus appliqué : sortie du titre sur une console de salon grand public (en plus de la version PC pour hommes), démo jouable efficace, publicité abondante, faible niveau de difficulté du jeu... Du coup, Bioshock fut presque un succès commercial, ce qui tient du miracle étant donné qu'il s'agit d'une nouvelle licence pleine de caractère et de concepts un brin abstraits pour le joueur occasionnel. L'idée maîtresse de Bioshock est de plonger (littéralement) le joueur au coeur d'une ville construite sous l'océan atlantique dans les années cinquante : Rapture. Mais cette gargantuesque utopie a faillie, du fait de produits dopants qui rendirent les habitants légèrement difformes et misanthropes. Rien que ce background rafraîchissant permet d'obtenir une narration et une ambiance jamais vues auparavant. Du moins, on le présume.
[SPOILER] Le scénario, logique et palpitant à la fois, se résume en ces quelques mots : le fils du créateur de Rapture atterit à Rapture en oubliant qu'il avait passé toute sa vie à Rapture. Il se fait guider jusqu'à son père par le méchant car il pensait que son père était le méchant (sans savoir que c'était son père), puis il se rend compte que son père n'est pas le vrai méchant et que le vrai méchant est en fait son guide, mais il tue quand même son père avant de rencontrer une scientifique ex-nazie qui le guidera jusqu'au vrai méchant, qui n'est autre que...
Si en plus dessoudre ce truc ne prend que deux minutes pétantes, tout ça pour n'obtenir qu'une misérable cinématique finale de même pas trente secondes, on est forcément déçu par ce dénouement bâclé. Mais à mieux y réfléchir, c'est tout le scénario de Bioshock qui flanche... Prenez System shock 2, des mêmes développeurs. A la fin de ce jeu on apprend que notre guide est en fait le vrai méchant. Beau cliff, n'est-ce pas ? MAIS. Ca serait pas tout pareil dans Bioshock ?! A croire que les développeurs, dépités que personne n'ait fini leur
cultissime System shock 2, trouvaient leur script tellement surpuissant qu'il l'ont copié-collé sur un jeu qui allait être bien plus pratiqué : Bioshock...
...Et ce sans que personne ne s'en rende compte !
[/SPOILER]
Pour en revenir au design infect du final boss, si vous nous voyez capables de nous en offusquer à ce point, c'est bien parce que Bioshock est inattaquable sur un point : son graphisme art déco. Les lieux parcourus ne cessent jamais de surprendre par leur audace esthétique, en rupture avec tout ce qui a pu être polygonisé jusqu'alors chez les jeux vidéo. Tout a été pioché dans un catalogue Ikea des années cinquante, et la maniaquerie des graphistes a permis un ensemble rétro, clinquant, coloré et impérial. Il est juste dommage que ce bel ameublement se noie sous des tonnes de shaders d'eau (superbes outre mesure). A côté de tout ça, on trouve quand même des ennemis. Qui eux aussi ont la classe : leurs animations sont poussées (genre ils raclent le sol avec leur faucille en pestant), ils nous insultent de manière châtiée (excellente localisation franchaise). Sauf que le hic c'est que ces ennemis sont hyper, hyper redondants. C'est bien simple, en deux heures de jeu on les a tous aperçus. Les environnements, eux au moins ils savent se renouveller. Déambuler dans un immense jardin situé 20 000 lieues sous les mers, c'est irréel ça sidère et ça rompt avec les milieux citadins aperçus jusqu'alors. C'est le genre de choc visuel que l'on se prend souvent dans Bioshock.
Toute cette imagerie radicale, alliée à des trilliards de sonorités
EAX qui grouillent dans nos oreilles en toute occasion, tout ça fait que l'immersion est intégrale. Le monde tortueux de Rapture pourrait nous rappeler le Black mesa d'Half-life, de part son caractère fort et unique. Comme si les univers de ces deux jeux étaient des personnages à part entière, capables de survivre sans le joueur. TOUTEFOIS on regrette que le héros ne sache pas nager, ce qui nous évite des phases de jeux se déroulant sous l'eau. Ca aurait été plus crédible que des portions de Rapture soient inondées, ouais, et ça nous aurait surtout apporté un sentiment de claustrophobie encore plus grisant au fin fond des eaux.
Mais bon, à côté de ce que Rapture nous raconte, il y a aussi ce qu'on appelle des gunfights. Ceux-là , on aurait presque envie de pas les faire pour s'abandonner plutôt à la contemplation des décors... Un comble pour un first person shooter ! Pourquoi ben parce que ces phases de shoot manquent clairement de dynamisme et de variété, et un mode de difficulté plus élevé n'y changera rien puisqu'on y combattra les mêmes ennemis, en plus résistants seulement. Pas plus malins ni mobiles, non non, ils se transformeront juste en tanks. Mais les milliards de trousses de soins qui traînent en Rapture, le fait qu'on ne puisse PAS mourir à cause des
Vita chambres (qui nous respawnent à l'infini)... Toutes ces assistances pour infirmes facilitent les combats à l'outrance. Pour assassiner la vermine, on ramasse des armes et on s'achète des dizaines de plasmides dans le distributeur du coin. Les plasmides en fait c'est des superpouvoirs, mais pas tant que ça puisque la surpuissance des armes les rend presque inutiles. Pas glop ! Par exemple l'arbalète elle peut suffir à boucler les derniers niveaux, puisque ses flèches se récupèrent sur les cadavres ennemis. Les papas malins et leurs petites soeurs, NPCs stars de Bioshock, étaient censés remettre le joueur en question, lui apporter de l'émotion... Mais le fait qu'ils soient eux aussi peu résistants et clonés les uns les autres les rend inconsistants, génériques.
Rapture est une ville peu linéaire, dans laquelle on exécute des objectifs peu linéaires, bien qu'un peu bateaux. Parfois quand même, c'est audacieux : en fin d'aventure, on nous demande de nous déguiser en papa malin pour escorter une petite soeur... Alors que jusqu'alors on n'aura fait que génocider ces papas malins et ces petites soeurs ! Mais c'est après les batailles que surgissent les phases de jeu les plus importantes dans Bioshock : la fouille de poubelles à la recherche de caoutchouc. Entre autres items à la con. Et ils sont nombreux, les machins à ramasser dans Rapture. Dans une situation classique, en arrivant dans une nouvelle pièce on se farcit un gunfight de vingt secondes, suivi d'une phase soporifique de ramassage d'objets qui dure trois minutes. Inutile de vous dire que mettre un bout de scotch sur la touche
utiliser devient vite indispensable. Autre truc lourd qui nous fait perdre notre temps : le piratage de toute tourelle/drône/coffre, matérialisé par un party game simplet plagié sur
un vieux soft Amiga. Tout ça pue quand même la durée de vie gonflée à l'ennui.
NDLR : la version Xbox 360 de Bioshock demeurant complètement injouable au stick analogique, nous n'avons pas pu la tester. Veuillez nous en excuser.