Il y a des jeux qui sont intouchables. Sans trop savoir pourquoi, certains titres ont acquis au fil des années une aura très spéciale qui les immunise contre toute forme de critique ou de remise en question. C'est une problématique bien connue à Gamerama comme le témoignent toujours nos reviews sans concession.
Lorsque Chrono Trigger, considéré comme le monument du RPG, débarque dans une réédition sur Nintendo DS, il est difficile de se replonger dans une aventure embellie par nos souvenirs sans garder à l'esprit que même les meilleures choses vieillissent.
Bizarrement, ce travail a été très facile, et ce dès les premières minutes. Explications.
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Chrono Trigger, La variété des décors - Ebauche 1 |
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Chrono Trigger, La variété des décors - Ebauche 2 |
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Chrono Trigger, La variété des décors - Ebauche 3 |
Square Enix a eu le bon goût de repenser un minimum son jeu afin de l'adapter à la portable de Nintendo. On appréciera donc le transfert des commandes et du HUD sur l'écran tactile, même si cet ajout est plus esthétique que pratique. En effet, si l'on salue la lisibilité laissée à l'écran supérieur, la commande des actions au pouce ne sert à rien du tout, et il se révèle plus pratique de donner ses ordres via la croix directionnelle et le bouton A.
L'ajout des cinématiques héritées de la version Playstation One est également une bonne chose, même si elles ont été encodées avec les pieds et pixélisent autant que les pires films de boules ramassés par erreur sur Emule.
Passées ces deux surprises (le donjon complémentaire est une blague), on constate malheureusement que le principal n'a pas été repensé, ou remaké comme on dit: le jeu original est toujours... d'origine.
C'est là qu'on se dit que nos souvenirs sont quand même bien malicieux. C'est un peu comme lorsque qu'on se souvient de sa première fois, en l'idéalisant et en se disant que ce jour-là était spécial et extraordinaire alors qu'en fait c'était avec la moche du lycée dont personne ne voulait et qu'on a éjaculé sur ses baskets avant même d'avoir compris comment enfiler la capote.
Dire que Chrono Trigger a mal vieilli est un putain d'euphémisme. A côté, Secret of Mana a l'air d'être une production Unreal Engine 3 tant les décors sont fades, les couleurs délavées et les environnements répétitifs. Certes les endroits visités regorgent de détails, mais tout cela est bien léger en comparaison avec la map digne de la NES, pour ne prendre que cet exemple.
Musicalement aussi notre mémoire nous a fait des films. Uematsu devait avoir une otite à l'époque car il est bien loin de son meilleur niveau. La musique du château est représentative à elle seule de la qualité de la bande-son: répétitive mais surtout énervante.
Le gameplay ne survivra pas non plus à la moulinette de nos souvenirs puisque même si l'idée des attaques combinées était excellente pour l'époque, elle n'apporte plus grand chose aujourd'hui. Les combats, faussement aléatoires, se déroulent quasiment toujours de la même façon, sans aucune tactique ou presque, si bien que l'on finit le jeu en tapotant sans arrêt la commande attaque. Il y a bien quelques boss qui nous demanderont de varier notre stratégie, mais sans plus.
Reste enfin le scénario, tant admiré à l'époque, mais presque enterré par celui de Resident Evil 4 tant il est d'une linéarité affligeante, accablé par les clichés. Ce scénario est d'ailleurs prétexte à la fainéantise du game designer, qui a ainsi pu recycler le seul et unique continent du jeu (grand comme une boîte d'allumettes) en y plaçant des skins d'époque pour pas que ça se voie trop. L'ennui, c'est que si on était cons étant ados, on a appris maintenant à ne plus se laisser avoir par ces subterfuges. C'est bien pour ça que la mayonnaise ne prend pas. Les heures de jeu semblent longues et on a l'impression de tourner en rond à parcourir sans arrêt les "époques" pour suivre les rebondissements bidons d'un scénario qui remplit juste le cahier des charges d'une durée de vie déjà moyenne pour l'époque, mais carrément trop longue aujourd'hui.
La réédition de Square Enix aura donc au moins un mérite: nous faire enfin comprendre pourquoi le jeu n'était jamais sorti jusqu'à présent en Europe. Dommage qu'il ait fallu payer quarante euros pour s'en rendre compte.