D'un cĂŽtĂ© le splendide Okami manie avec une maestria un cell shading maĂźtrisĂ©, qui va plus loin que Wind Waker en s'inspirant directement des lavis extrĂȘme-orientaux. L'esthĂ©tique peut dĂ©concerter de prime abord, mais une fois qu'on s'y fait, difficile de faire la fine bouche devant l'un des joyaux esthĂ©tiques et graphiques de cette gĂ©nĂ©ration.
De l'autre, TP se noie dans un graphisme glauque, triste, qui oscille entre le verdĂątre et le jaunĂątre option degueuli pour le "monde des tĂ©nĂšbres". Cet univers, on le connait comme... le loup blanc : Nintendo nous ressert pour la Ă©niĂ©me fois la fantasy du pauvre made in Miyamoto, passe partout et sans saveur. Un monde sans ressort, vaguement mĂ©dieval, avec les mĂȘmes habitants et le mĂȘme background qu'Ocarina, le souffle Ă©pique en moins, pour un rĂ©sultat trouillard. Et sans mĂȘme l'esthĂ©tique audacieuse de Wind Waker pour faire passer la pilule. Nintendo nous annonçait que ce dernier allait tourner la page des Zelda Ă l'ancienne, et nous pond au final un sorte de" best of" sans gĂ©nie, voire mĂȘme sans couille.
Parce que l'audace, elle a clairement foutu le camp chez Clover. Okami tente le pari réussi d'un univers plongeant ses sources dans le folklore japonais. Résultat : un jeu irrigué de légendes, de mythes, et de références à un vrai background solide. Bref, un jeu plein de vie, qui se dévore avec un faim de loup.
De l'autre cĂŽtĂ©, la wiimote peine Ă insuffler de l'Ă©nergie Ă un gameplay vu et revu. On est surpris au dĂ©but, on fait mumuse avec l'arc et Ă sortir son Ă©pĂ©e, mais ça dure 5 minutes, le temps de constater que finalement, ça n'apporte pas grand chose au jeu, si ce n'est pas mal d'imprĂ©cision... La version originelle et authentique (sur GC) se paie mĂȘme le luxe d'un plus grand confort grace Ă la camĂ©ra mobile. Okami, lui sans artifice et sans gadget, multilplie les innovations de fond. Le pinceau magique en particulier, qui permet de modifier l'environnement d'un coup de pad, et ainsi de faire se lever le soleil ou le vent, et tant d'autres choses, tĂ©moigne non seulement de l'Ă©nergie crĂ©atrice des auteurs, mais aussi d'un talent rĂ©el Ă mĂ©langer poĂ©sie, ambition et gameplay. Et s'il n'y avait que cela... le monde d'okami est truffĂ© de quĂȘtes annexes passionnantes. Chaque centimĂȘtre carrĂ© du jeu ou presque nous offre l'occasion de ranimer un arbre ou la vĂ©gĂ©tation, de nourrir un animal, d'aider un marchand ou un villageois, de participer Ă des mini jeux. En face, TP peine Ă sortir de l'enchaĂźnement mĂ©canique de donjons parfois intĂ©ressants, il faut le reconnaĂźtre, mais Ă la longue, sĂąoulants...les trois quart des cinquiĂšme de coeurs ne feront pas l'objet d'une quĂȘte annexe, mais d'une simple recherche approfondie dans les donjons. Seule originalitĂ© rĂ©elle, les phases durant Link se transforme en loup, sont clairement sous exploitĂ©es et se rĂ©sument Ă chercher des bestioles-nonos magiques en creusant un peu partout, tout en se faisant fouetter le dos par un petit boudin difforme adepte du SM.
Reste un point oĂč, il faut le reconnaĂźtre, les deux jeux se valent dans la mĂ©diocritĂ© : c'est la facilitĂ© limite insultante du jeu. N'espĂ©rez pas voir s'afficher de game over, c'est peine perdue : entre les multiples objets revitalisants d'Okami et la caresse bienveillante des boss de TP occasionnant tout au plus la perte d'un demi coeur, on prend le gamer pour le petit casual du dimanche.
Pour conclure, aprĂšs tout le vent brassĂ© par Wind Waker, il faut se rendre Ă l'Ă©vidence : la lĂ©gende de Zelda est complĂštement essouflĂ©e, dĂ©gonflĂ©e, mĂȘme. La sĂ©rie n'a plus rien Ă dire, plus rien Ă montrer, plus rien Ă faire jouer. MĂȘme jingles, mĂȘme objets, mĂȘme Ă©nigmes, mĂȘme cheminement, tout provoque un immense sentiment de lassitude. Une fin crĂ©pusculaire pour la sĂ©rie, Ă l'image de son univers entre chien et loup, qui s'enlise dans le mĂ©diocre, le dĂ©jĂ vu mille fois.
En revanche, Okami fourmille d'Ă©nergie et d'inventivitĂ©, et au bout du compte, de mordant. Il semble qu'au bout de quelques annĂ©es, un jeune louveteau ait rĂ©ussi finalement Ă s'imposer Ă la tĂȘte de la meute, destituant le vieux chef fatiguĂ©...