Le décodeur
Mariole

clott - 27 Sep 2024

Les retraités, nouveaux nantis de la société ? Alors que le déficit public pourrait dépasser cette année les 6 % de PIB, bien au-dessus des prévisions initiales, les yeux se tournent désormais vers les pensionnés, accusés de bénéficier d'un niveau de vie supérieur à celui des actifs occupés. Après la mise à l'index des sans-emploi, qui gagneraient plus que ceux qui en ont un, c'est donc au tour des retraités d'être présentés comme privilégiés.

Sur Europe 1 mardi 24 septembre, l'éditorialiste du Figaro, Eugénie Bastié, a ainsi déclaré : «Est-il normal qu'une génération entière vive en moyenne, mieux que les autres ? Rappelons quelques faits : c'est la première fois de l'histoire de France que ceux qui ne travaillent plus sont plus riches que ceux qui travaillent. Les retraités ont un niveau de vie supérieur à l'ensemble de la moyenne de la population.»

En France, ceux «qui ne travaillent plus» sont-ils vraiment «plus riches que ceux qui travaillent», le terme «riche» semblant s'entendre dans sa bouche comme se rapportant au revenu et non au patrimoine (elle parle ensuite de «niveaux de vie») ?

Selon le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) publié en juin, qui relaye les données de l'Insee, les retraités ont, en 2021 (derniers chiffres disponibles), un niveau de vie moyen de 2 188 euros mensuels, contre 2 489 euros pour les actifs occupés. Autrement dit, «ceux qui ne travaillent plus» ont un niveau de vie inférieur de 12 % à «ceux qui travaillent».

Dans sa chronique, Eugénie Bastié parle ensuite de «l'ensemble de la population». Or même par rapport à cette catégorie, les retraités conservent un niveau de vie légèrement inférieur (2 188 euros mensuels contre 2 218 euros, soit 1,3 % de moins).

En intégrant les loyers imputés (qui recouvre, selon l'Insee «le service de location que se rendent à eux-mêmes les propriétaires de leur logement : à savoir les loyers que les propriétaires auraient à payer s'ils étaient locataires du logement qu'ils habitent»), les retraités regagnent du terrain, puisqu'ils sont beaucoup plus souvent propriétaires de leur logement que les non-retraités.

Ils bénéficient ainsi d'un niveau de vie supérieur de 5 % à celui de l'ensemble de la population. Mais restent encore en dessous des actifs («ceux qui travaillent»), dont le niveau de vie est, lui, supérieur de 7,6 % à celui de l'ensemble de la population.

De fait, le niveau de vie relatif des retraités, pour différentes raisons (dont l'amélioration des carrières des femmes), a très fortement progressé ces dernières décennies, «de 30 points entre 1970 et le milieu des années 90, où il est devenu équivalent à celui de l'ensemble de la population», rappelle le COR dans son rapport.

Mais depuis 2017, cet indicateur est en baisse, «notamment parce que les ménages actifs ont bénéficié de mesures visant à augmenter les revenus du travail (augmentation de la prime d'activité, exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, etc.) et de la baisse du chômage», selon les rapporteurs.

Depuis son pic à 106 % du niveau de vie de l'ensemble de la population en 2014, il est ainsi redescendu, comme évoqué plus haut, à 98,7 % en 2021 (même si cette baisse est aussi liée au changement de méthode de l'enquête «Revenus fiscaux»).

Ce décrochage, par ailleurs, devrait se poursuivre, et atteindre 83 % en 2070. Il retrouverait alors «des valeurs comparables à celles qu'il avait connues dans les années 80». Sauf à très court terme, en raison de la forte inflation de ces dernières années, mais aussi de la réforme d'avril 2023, qui a acté une revalorisation du minimum contributif.