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KamiOngaku

Yazu - 01 Aug 2024

https://www.lemonde.fr/culture/article/ … _3246.html

« En 2008, je nous voyais avec nos têtes colorées/En bleu ou en orangé/Selon ce qu'on aura mangé », chantait Philippe Katerine en 2005. C'est ainsi, derme bleu, barbe orange et ventre replet, que l'artiste vendéen est apparu aux yeux du monde, vendredi 26 juillet, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris. Non sans créer quelque controverse, autant pour la chanson qu'il a interprétée, Nu, un hymne hardi et inédit à la nudité, que pour la divinité païenne qu'il a campée, Dionysos, derrière la barbe duquel d'aucuns ont cru reconnaître le Jésus Christ de la Cène peinte par Léonard de Vinci.

L'homme le plus riche du monde, Elon Musk, l'a pris à partie sur son réseau social, X, là où d'autres fantasmaient sur le cachet prétendument mirobolant qu'il aurait touché (200 euros, à la vérité). Tout cela méritait bien quelques explications, que le chanteur et acteur de 55 ans nous a accordées, en cours de digestion.

Qu'avez-vous mangé ce midi, Philippe ?

Du confit de canard. Formidable. En plus, c'est de saison.

Et avant la cérémonie ?

J'ai ingéré du coq au vin. Avec du vin, en accompagnement.

Vous vous êtes donc glissé dans la peau de votre personnage, Dionysos, dieu de l'ivresse et de l'extase. Comment vous êtes-vous retrouvé là ?

J'ai envoyé une « cassette de motivation » au metteur en scène de la cérémonie, Thomas Jolly, contenant ce morceau que je venais d'écrire, Nu. Je me suis dit : « Ça, c'est une chanson pour les JO. » Pour le convaincre, j'ai déployé trois arguments. L'idée de la réconciliation, d'abord : quand on est nu, on devient inoffensif, on se donne la main. Pas de poches, donc pas d'armes cachées dans les poches. La décroissance, ensuite : nu, on arrête d'acheter du textile. Le retour aux origines des JO, enfin, à l'époque où les athlètes concouraient nus.

Qu'en a pensé Thomas Jolly ?

Il avait reçu beaucoup de cassettes de motivation, mais il a retenu la mienne. J'étais flatté. Lui, il avait son fil narratif. Moi, je devais tenir dedans. J'étais un acteur, au fond. Je n'ai pas cherché à comprendre vraiment.

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Il a pensé à Dionysos et a proposé de me peindre en bleu. Je voulais être nu, sans qu'on voie quelque chose, car je ne voulais pas choquer qui que ce soit. Alors, on a trouvé un subterfuge.

« Non mais laissez-moi/Manger ma banane/Tout nu sur la plage », chantiez-vous en 2010. Et, cinq ans plus tard : « Quand t'auras plus rien/Pareil à l'oiseau qui vit peu mais bien/Sans rien ni réseau/Tu seras ce roi qui s'en va tout nu/Profiter des oies, du manque de revenu. » Pourquoi la nudité traverse-t-elle ainsi votre discographie ?

Quand on fait de la musique, on empile des pistes, des arrangements. Des fois, on se dit que le mieux, c'est d'être nu, guitare voix. Que c'est le plus parlant. Il en va de même dans la vie. On se pare de beaucoup d'artifices pour parler à autrui. Des artifices qui souvent prêtent à confusion. Le nu est parfois bien préférable. Je ne suis pas du tout naturiste, plutôt du genre pudique, timide. Alors, ces chansons répondent, j'imagine, à une frustration personnelle.

Votre prestation a offensé certains croyants. Le comprenez-vous ?

Une seule personne peut avoir mille façons d'interpréter un objet, il suffit de se déplacer légèrement. On ne peut rien contrôler là-dessus. Je n'ai pas de problème avec les gens qui ne voient pas les choses comme moi.

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Ce qui est sûr, c'est qu'avec Thomas Jolly, on n'a jamais parlé de religion, ni de La Cène, le tableau de Léonard de Vinci. Il n'a jamais été question du Christ. J'ai été stupéfait de ces réactions. J'ai grandi dans la religion chrétienne, et ce qu'il y a de plus beau dans cette foi, c'est l'idée du pardon. Alors pardon, si j'ai pu laisser passer un malentendu, si j'ai pu choquer des gens. J'en suis bien désolé. Je crois que le pardon peut être réciproque.

« Jésus-Christ mon amour/Les caresses du vent/C′est comme un chant d'Amour/Pour les malentendants », chantiez-vous en 1999. Que répondez-vous aux évêques de France, qui vous attaquent ?

C'est facile de voir qu'il n'y avait aucun signe religieux sur la table, ni crucifix, ni pain rompu, ni vin servi. On a l'impression que les évêques de France ont voulu mettre le feu aux poudres. Le feu, on ne peut pas l'allumer avec un seul silex. Il en faut deux.

« Marine le Pen, oh non/Mais Marine le Pen, non mais/Tu le crois pas/Tu le crois ça ? », vous exclamiez-vous, en 2005. En l'occurrence, c'est sa nièce, Marion Marechal Le Pen, qui s'en est prise à vous…

Venant de leur part, je ne suis pas très étonné… J'ai grandi avec des chrétiens de droite, je les connais bien. Ce sont les premiers à blasphémer en privé – je précise bien que je n'ai jamais cherché, de mon côté, à parler de religion.

Vous avez repris « Saga Africa », la chanson du tennisman Yannick Noah, et joué les nageurs dans « Le Grand Bain » (2018), de Gilles Lellouche. Quels sports allez-vous suivre de près, durant les JO ?

J'ai pratiqué le basket dans ma jeunesse, donc ce sport, évidemment, m'intéresse en premier lieu. Et puis, comme je suis de nature curieuse, je me tourne vers le water-polo, le badminton, le ping-pong, le frisbee… Le grand privilège des JO, c'est de découvrir des disciplines qu'on ne connaît pas. Vous savez, les sportifs sont pour moi des demi-dieux. Quand je les ai vus en tenue blanche, échangeant les flambeaux, à la fin de la cérémonie, j'ai trouvé ça magnifique.

Face à la crise politique que traverse le pays, certains évoquent votre nom pour Matignon, d'autant que vous avez incarné un chef d'Etat assez probant dans « Gaz de France » (2015), de Benoît Forgeard. Qu'en dites-vous ?

C'est gentil, mais ma nature va plutôt vers l'exil, et le secret.