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Beauce_de_Findenivot - 30 Jun 2024

Roger Leloup, Jean Van Hamme ou Derib : en BD, les « papys » font de la résistance
Dessinateurs ou scénaristes, ils ont entre 79 et 90 ans et continuent à publier régulièrement leurs albums. Mieux : leurs héros, de « Yakari » à « Yoko Tsuno », continuent à séduire un large public. Et aucun ne semble vouloir penser à la retraite…

Par Christophe Levent
Le 30 juin 2024 à 09h20
Roger Leloup, bientôt 91 ans, est le père de «Yoko Tsuno», Jean Van Hamme, 85 ans, celui de «XIII», et Derib, 79 ans, celui de «Yakari». Et aucun ne songe à la retraite ! Le Parisien DA -  Dupuis/D.Fouss - AFP/Joël Saget - Dargaud - Éditions du Lombard
Roger Leloup, bientôt 91 ans, est le père de «Yoko Tsuno», Jean Van Hamme, 85 ans, celui de «XIII», et Derib, 79 ans, celui de «Yakari». Et aucun ne songe à la retraite ! Le Parisien DA - Dupuis/D.Fouss - AFP/Joël Saget - Dargaud - Éditions du Lombard

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« Ah, vous faites un article sur les vieux croulants… Allez-y, j'ai l'habitude maintenant. » Avec son humour pince-sans-rire, Willy Lambil, 88 ans, dessinateur attitré des « Tuniques bleues », aborde avec beaucoup d'autodérision le sujet : en bande dessinée, pour lui comme pour beaucoup, la retraite ne semble pas de mise. Face à la vague continue de nouveautés, les papys font de la résistance. À plus de 75 ans, dessinateurs, scénaristes ou les deux, ils sont encore nombreux à continuer à publier régulièrement des albums et faire vivre leurs personnages de papier. Mieux : ils collectionnent les succès et caracolent souvent en tête des classements des meilleures ventes.

Dernier exemple en date : le tome 31 de « Yoko Tsuno », « L'Aigle des Highlands », nouvelles aventures teintées de science-fiction de la jeune ingénieure informaticienne japonaise créée en 1968. Sorti le 17 mai, l'album se classe deuxième meilleure vente de BD en France la première semaine et restera quatre semaines dans le top 10. Au total, près de 40 000 exemplaires se sont écoulés sur la période. Une performance pour cette héroïne de 55 ans, autant que pour son auteur et créateur, Roger Leloup, toujours aux crayons. Avec ses bientôt 91 printemps cette année, il fait figure de doyen.

Roger Leloup : « Je n'ai jamais pensé que ça durerait aussi longtemps »
« Quand j'ai commencé, je n'ai jamais pensé que ça durerait aussi longtemps. J'ai travaillé pendant quinze ans avec Hergé, aux Studios, et, à un moment, j'ai eu envie de voler de mes propres ailes. Yoko Tsuno me permettait de mettre un peu de poésie. Et c'était l'une des premières héroïnes femme de la BD à une époque où personne n'y croyait vraiment… Alors oui, je suis très content qu'elle ait encore du succès. Je suis toujours très ému de recevoir des lettres de jeunes de 60 ou 70 ans, qui ont acheté mes albums toute leur vie et qui disent le bonheur que j'ai pu leur apporter », souffle l'auteur dans un sourire.


Celui qui a vendu plus de 8,5 millions d'exemplaires de son œuvre n'est pas le seul à tenir bon la rampe malgré les années qui s'empilent. Autre série phare de la BD, « les Tuniques bleues », 20,5 millions d'albums écoulés dans le monde dont 90 000 pour le dernier tome, ont aussi le même et unique dessinateur depuis 1972 : Willy Lambil.

« Au départ, on me l'a demandé pour dépanner, après la mort à 39 ans du dessinateur Louis Salvérius. Je l'ai fait en pensant à sa famille. J'ai dessiné un premier album avec beaucoup de mal… Mais cela ne devait pas trop déplaire parce que, depuis, j'ai continué, rigole-t-il. On m'a dit souvent : Tu devrais faire autre chose… Mais je ne me suis jamais lassé de mes personnages, franchement. Et puis dessiner, c'est une seconde nature pour moi. Je ne sais rien faire d'autre. C'est vraiment un besoin. Le matin, mon premier réflexe, c'est d'aller voir les planches que j'ai faites la veille… Et le plus souvent j'ai envie de tout mettre au feu. »

Jean Van Hamme : « Là, j'ai une petite idée pour un nouvel album »
Créateur de « XIII », « Largo Winch » et « Thorgal », excusez du peu, Jean Van Hamme, 85 ans, l'homme aux plus de 45 millions d'albums vendus, est un cas un peu à part dans la bande de « papys ». D'abord parce qu'il est scénariste. Ensuite parce qu'il a annoncé sa retraite en 2015… Sans vraiment s'y tenir. S'il a effectivement passé le relais à d'autres sur ses séries culte, il a depuis publié pas moins de sept albums, dont le dernier « Traquenards et sentiments », un épisode de « XIII Mystery », est sorti en janvier.


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« J'étais lassé de mes personnages récurrents. J'avais l'impression d'avoir fait le tour. Je n'y prenais plus de plaisir. C'est comme dans un mariage : quand la flamme n'est plus là, il faut arrêter, glisse-t-il, malicieux. Aujourd'hui, c'est la seule chose que je recherche : le plaisir. Sincèrement, je n'ai plus besoin d'argent. Là, j'ai une petite idée pour un nouvel album. Je commence à noter des trucs, je vois si ça fonctionne. Mais si je sens que je tourne en rond, ça ne se fera pas. Et le monde s'en remettra », s'amuse-t-il.

Derib : « Dans la tête, j'ai 25 ans »
Poser les crayons, penser à faire autre chose… Pour beaucoup l'idée est difficilement concevable. « Je ne suis pas près d'arrêter. Je raconte des histoires qui me plaisent avec un personnage que j'aime beaucoup. Ça m'apporte de la joie. Je n'arrêterai que si je ne suis plus capable physiquement de dessiner mais je fais du sport pour m'entretenir. Dans la tête, j'ai 25 ans. Mais un peu plus de maturité graphique », témoigne Derib, le père du petit indien « Yakari » (5 millions d'exemplaires vendus), dont il a bouclé le 42e album en 2022 et qui fait figure de jeunot du haut de ses 79 ans.

« La retraite ? Non, jamais. Vous avez déjà vu un musicien ou un écrivain prendre sa retraite ? Mon fils me dit souvent d'arrêter. Pour aller où ? Dans mon jardin ? Je m'y emmerde. Nous faisons un métier artistique. Et puis, quand je suis avec Yoko, j'ai son âge. Elle me permet de ne pas vieillir. Alors, tant que mon ange gardien veille sur moi… » chuchote Roger Leloup.

Pour Benoît Mouchart, directeur éditorial de Casterman et fin connaisseur de la BD, rien d'étonnant à cette longévité. « La BD, raconter des histoires, c'est leur raison de vivre. C'est une façon de donner un sens à leur existence. Ce n'est pas un métier, mais un mode d'expression. C'est souvent aussi vital pour eux que respirer ou manger », analyse-t-il.

Un point de vue que partage Patrick Gaumer, lui aussi spécialiste de la BD et auteur, notamment, du « Dictionnaire mondial de la BD ». « Pour beaucoup, ils ont démarré jeunes et ont consacré toute leur vie à cela. Ce sont avant tout des artistes qui se voient bien mourir sur scène, estime-t-il. Ils gardent un côté saltimbanque et leur passion leur permet d'être toujours créatifs. » Pour preuve : les « papys » de la BD, et ils en sont fiers, sont tous déjà au travail sur leur prochain album.