1994 : la fin du jeu vidéo.
Tchiko

J'ai adoré BotW à sa sortie, ensuite je me suis lassé de sa formule open world, trouvant les combats moyens avec son flurry rush encombrant et mou. Il m'arrivait de relancer ma partie pour avancer dans le DLC mais ça me gonflait très rapidement.
Sortant d'une période JRPG, avec surtout DQXI (à la genèse parallèle, comme Zelda 1 et DQ1, marrant), j'étais curieux de relancer BotW du début pour voir comment mon appréciation avait évolué : j'accroche au démarrage, ce qui jusque là n'est pas très étonnant connaissant la formule. Moins attendu j'aperçois à une dizaine d'heures une dynamique de jeu un peu différente de mon expérience passée, intéressante : au lieu de jouer avec mes réflexes de la formule Zelda 3D classique, j'optimise mon run un peu façon DQ. Bien que la difficulté de plume ne m'y incite pas, le résultat se révèle cependant gratifiant et j'entraperçois son intérêt en mode expert. Mode que j'avais vite lâché à l'époque.
Donc je recommence en expert et me voilà reparti pour 200h d'inspiration sauvage sur CRT.

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Un truc que j'avais bien perçu il y a 6 ans, bien que de manière incomplète, c'est le plaisir de l'interaction permanente avec la carte, son paysage informatif, sa topographie de haut artisanat et toute sa biosphère détaillée : of the wild. Aujourd'hui j'ai une vision plus claire de son implication dans le gameplay, c'est un jeu d'aventure action mais la branche gestion de ressources constitue carrément le tronc, et son lien avec tous les autres éléments de gameplay s'avère d'une dynamique épaisse qui parait presque fractale dans mon esprit quand je joue, vertigineuse et maîtrisée y compris dans son évolution au cours du run alors qu'une grande partie des ressources sont présentes et accessibles depuis le début.
Alors c'est là que c'est quand même plus le cas en expert qu'en normal, bien que ça fonctionnait aussi en terme de plaisir d'efficacité sur le début mais je ne saurais dire si cela serait retombé au bout de quelques dizaines d'heures comme cela a été le cas pour beaucoup de monde, y compris moi par le passé : devenu inutile on perd jusqu'à sa perception et on se confronte au vide apparent laissé par les éléments délaissés de l'ancienne formule, dirais-je.
Après un run en expert de 150h assez complet (full sanctuaires, épreuves de l'épée, cinquième créature divine, armures au max), j'ai encore recommencé avec l'envie de voir si cela fonctionnait toujours en essayant d'optimiser de manière plus efficiente, un peu comme je peux le faire sur Zelda 1, connaissant un grand nombre de leviers présents à tel endroit du jeu, avec un souci constant d'accorder des priorités à mes actions en faisant des choix de progression qui engendreront telle ou telle évolution de mes capacités dans tel ordre, afin d'anticiper les requis et fluidifier au maximum ma pénétration dans l'aventure et mon ascension. Et ça fonctionne.
Pour moi ce mode expert a résolu complètement le problème de soufflet qui retombe du jeu en normal. Cette impression pourtant bien ancrée dans mon esprit a alors complètement disparu, avec il est vrai un changement de perspective de ma part qui me cantonnait trop dans certaines anciennes habitudes et attentes auxquelles ce volet ne répond pas directement, ce que j'osef totalement aujourd'hui vous imaginez bien. Cela ne m'empêche pas d'y voir encore quelques trucs qui ne me plaisent toujours pas :
-    Les petits gémissements de voix de m dans les dialogues avec les pnj, pourtant dans les cutscenes les voix jap sont pas si mal pour ce médium de dégénérés.
-    Les villages pas assez fou niveau ambiance et mécaniques, malgré un level design soigné utilisant bien l'espace open world. Avec leurs musiques globalement juste ok et un tas de petites quêtes, de pnj et de dialogues trop souvent assez plats, que l'on peut heureusement zapper pour la plus part quand on a retenu les quelques quêtes aux récompenses intéressantes.
-    La dernière phase de Ganon nulle à jouer, tellement triste de finir là-dessus.
-    Quelques sanctuaires qui demandent une action un peu longuette pour les faire apparaître en surface, genre la chorale de petites piafs. Mais dans l'ensemble on peut les enchaîner à un rythme d'enfer. Supprimez-moi leur temps de chargement dans un remaster et je précocraque.

Le système de combat qui m'avait gonflé par rapport à mes attentes plus Zelda 3D classique basé sur l'épée, plus arcade, fonctionne ma foi super bien. Alors ça passe beaucoup par le menu en figeant l'action, mais je trouve qu'à ce rythme ça reste équilibré, là où sa suite a l'air relou (sur tant de points). Une manière réussie de faire de l'action-rpg moderne. Un truc que j'avais pas bien saisi c'est que de manière générale il faut en permanence tout optimiser en consommant les ressources, genre tout le temps. Mais juste quand la nécessité spécifique se fait sentir comme une envie, et l'équilibre réalisé autour de cette mécanique relève d'un sacré boulot dans ce contexte full open world.
Les armes faisant aussi parti de ces ressources : sur mon dernier run en cours au rythme tendu comme un arc, je ne m'arrête que pour les korogus faciles et rapides (encore plus qu'avant, sur mon run pourtant très complet j'avais moins de 200 korogus sur 900, assez significatif quant à leur fonction), et je garde en permanence marteau de géologue (jusqu'à la version finale du prodige goron), feuille de stratège et hache de Charles Ingalls (pour péter les caisses, faire tomber un arbre sur un octorok). Pourtant je ne manque jamais d'arme (korogus = slot d'arme, pour ceux qui ne l'ont pas fait), j'en récupère tout le temps, globalement meilleures, en faisant un minimum les bons choix indispensables dans ce mode. De manière générale il y a une synergie grisante quand on l'a comprise, qui fait que consommer les bonnes ressources régulièrement amène plus d'abondance grâce à toutes les conséquences en cascade derrière. Merci également à ces plateformes aériennes rajoutées en expert près des ponts, des cascades et des tours, du fun en barre à aborder par le haut comme un pirate des airs, avec en récompense des armes aux stats bien pétées pour bien démarrer ce mode. Le rythme global des récompenses liées à la progression et l'exploration me rappelle A Link to the Past, et c'est ce qu'il faisait de mieux. Mais ici dans un espace plus ouvert aux choix, comme dans le premier.
Pour profiter du cac dans BotW il faut rapidement alterner et combiner les propriétés des armes, quasi tout le temps. Par exemple le classique baguette des blizzards si on fait face à un grand nombre d'ennemis suivi d'une attaque d'arme à deux mains en toupie pour des dégats x3, ou une lance électrique pour désarmer sans risque un ennemi trop bien équipé, enchaîné sur la bête figée par le choc électrique avec une charge d'arme adéquate. Plus les pouvoirs sheikah de bombes qui permettent parfois de gérer l'espace, le pouvoir de figer un ennemi au moment opportun, tout le gameplay à l'arc (en fin de partie on peut passer une zone au napalm avec les flèches explosives x5), la feuille lol, l'environnement etc à alterner et combiner à volonté donc.
Et le lien avec le côté ressource est bien maîtrisé, tant le set quasi complet des armes (les meilleures à sélectionner) est indispensable pour progresser sereinement, chaque arme provenant d'endroits et de situations caractéristiques (le master marteau des gorons pour s'occuper des lithorock demande un diamant à chaque fois qu'on le fait fabriquer, les gemmes nox étant une bonne monnaie d'échange contre un diamant etc).
C'est une des raisons de l'importance de ce mode expert qui rend nécessaire tout cela, avec ses rencontres sans pitié qui peuvent même paraître injuste si on s'y prend mal (plainte concernant le mode expert de beaucoup de joueurs sur le net qui se contente de péter leur arme sans stratégie) et si on n'extrait pas tout le jus du jeu. Et dans ces conditions « expertes » (ça devrait être le mode de base), dans le détail du run rien n'est vraiment laissé au hasard : en témoigne la diversité des situations d'affrontement à résoudre en appliquant ces règles, pour chaque camp par exemple, du design everywhere dans cet open world, à beaucoup de niveaux, de manière bien liée, d'où le côté un peu fractal très réussi du gameplay.
En combat il y a aussi l'importance de la prise en compte de la position en hauteur qui est tripante et assez unique, utilisant le design soigné de la topographie grâce aux mécaniques comme le paravoile, l'escalade ou le bullet-time de l'arc. Rien que cette dernière sorcellerie d'archerie Matrixienne entraîne un grand carquois d'abordages intéressants, normal qu'il l'est mis en avant dans le reveal teaser, c'est du lourd. D'ailleurs les assauts sur grands gardiens sont marrants une fois correctement équipé, la charge à cheval à la lance archéonique ou à l'épée de légende est un satisfaisant massacre.

Un des changements piliers de ce mode expert qui fait que ça fonctionne est la régénération des monstres, qui modifie le rythme des combats et leur appréhension, la stratégie, rendant nécessaire l'urgence d'appliquer toutes ces priorités à organiser constamment. Elle est très bien foutue, la barre de vie ne remontant pas pendant ~3s le temps d'enchaîner, on peut toujours couper la régèn avec une flèche si l'ennemi à pris ses distances un instant. Ça demande dans une mêlée de retenir qui on a commencé à frapper pour ne pas le lâcher, et bien d'autres choses. Rien que pour elle je pourrai plus toucher au mode normal qui fait limace en comparaison.
Par exemple dans ce mode les bonus d'attaque +3 sont presque tout le temps nécessaire, entraînant la mise en place durant toute la partie d'un ordre de collecte intéressant à appliquer d'un point de vue « s'aventurer dans une zone », entre les premiers insectes-lames très discrets dans les bois, les bananes de la forêt tropicale orientale et le set d'armure barbare des trois labyrinthes (étonnamment chouettes à faire, level design solide). Le jeu demande aussi d'adapter tout cela aux différents environnements hostiles avec la bonne combinaison de bonus par l'armure et par la cuisine.

Concernant le flurry rush, j'avais tendance à trop le sortir car encré dans l'ancienne façon de combattre des Zelda 3D. Maintenant je m'en sers très rarement juste pour péter rapidement une arme osef opportune ou achever rapidement un adversaire si besoin de faire face à un autre danger.
Le parry est bien cool que ce soit contre les lasers avec la distance à prendre en compte (en expert les gardiens peuvent feinter et retarder leur tir, très bon. Au passage la sécurité qui évitait de se faire one shooter quand la barre de vie est pleine a sauté), ou contre les lynels aux combats moins axés environnement/effets mais plus parry (parry > head shoot à l'arc qui stun > coup d'épée chargé > monter sur le dos du lynel et le punir sans consommer son arme > profiter du saut en sortie pour un bullet time à l'arc et le head shooter plusieurs fois dans la nuque, classe). Ou parfois face à un simple ennemi cela peut permettre d'avoir le temps de placer un coup d'épée chargé = plus de dommage sans user d'avantage son arme. J'apprécie que derrière un parry il faille continuer à jouer et créer au lieu d'avoir directement accès à une simple punition.
S'ajoute tout le côté organique des interactions dans les rencontres, grâce entre autre à ce fameux côté émergent, riche et créatif du modèle physique/chimique qui vient s'encastrer dans l'engrenage des mécaniques du jeu avec une plus réelle implication dans ce mode de difficulté.

D'ailleurs la difficulté se trouve plus dans les combats de la phase exploration, de manière constante dans ce mode, que dans les créatures divines et c'est bien comme ça car c'est placer au bon endroit le nerf de la guerre de cette formule. Les quatre méchas (cinq en expert qui contient les DLC) sont des épisodes courts en soi, des intermèdes autour desquels s'articulent plein de choses pour le jeu. On peut ainsi les faire tôt dans l'aventure pour accéder rapidement aux récompenses très utiles pour l'exploration guerrière nourrissante. Les boss, bien que toujours pas vraiment difficiles même dans ce mode sont quand même plus intéressants grâce à la régénération, faut pas les lâcher eux non plus ce qui change parfois pas mal de choses dans la gestion de leurs patterns.
Je trouve les créatures divines dans l'ensemble un peu sous estimés, j'aime bien le côté interactif du mecha, leurs musiques enivrantes, et ça reste super rythmé et original à jouer. C'est pas un donjon, mais c'est pas le même jeu aussi. Dans TotK au final ça semble avoir perdu en personnalité avec leur truc hybride.
J'aime bien de manière générale tout le travail sur le côté technologie antique des sheikah, de la DA au gameplay. Là aussi avec TotK j'ai l'impression qu'on a franchi une limite un peu dégeu avec les pouvoirs.
Et j'apprécie toujours autant le feeling des animations encore inégalées à mes yeux dans ce genre, du vrai jeu vidéo d'action, sans flottement et pourtant animé de manière détaillée.

Les épreuves de l'épée au design soigné se révèlent particulièrement savoureuses en expert. C'est vraiment bien tendu et il faut accepter de devoir recommencer du début de chaque longue phase (3) quelques fois. Le replay value étant au rendez-vous ça reste cool. La récompense est plus satisfaisante qu'il n'y parait puisque non seulement l'épée de légende est toujours à 60 mais elle dure bien plus longtemps et jouit de sa luminescence et de ses sons pourfendeurs de sabre laser. Ca fait bien nettoyage purificateur contre les monstres crasseux, une bonne forme finale.
Les 120 sanctuaires donnent en récompense la version BotW de la tenue classique de Link, magnifique.

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Améliorée c'est la plus résistante donc intéressante à porter, et la conséquente chasse aux matériaux pour l'upgrader est assez fun avec les trois dragons à pister pour trouver le bon spot de dépouillage. Un exemple de comment les besoins évoluent en cours d'aventure avec nos capacités d'interaction et notre puissance.
120 sanctuaires ça peut paraître beaucoup mais ça passe bien grâce à la diversité concernant leur découverte sur la carte, les récompenses spécifiques de certains (set d'escalade par exemple), le rythme d'exécution rapide quand on les connaît, et bien sûr la montée en puissance liée (team full endurance first).

Les autres épreuves et sanctuaires du DLC sont très bien, si ce n'est un emboîtage dans le reste de l'aventure un peu superficiel avec un enchaînement un peu plus linéaire et plat comparé au reste du jeu, dommage (l'arc narratif du piaf chanteur est cependant cool au final). La dernière créature divine en vaut la peine avec sa mécanique de tour/vis et son boss original assez chouette. Quant à la récompense, Link en tant que prodige reçoit sa propre créature divine qui n'est autre qu'une moto sheikah. Je me demandais l'intérêt par rapport au cheval : la vitesse de grimpe sur toute pente, excellent. C'est une moto de trial et le pilotage est bien adapté au côté jeu d'aventure, ça permet de grimper à fond tout en demandant d'être bien piloté. L'ultime outil pour finir d'explorer. Tellement plus classe d'utilisation que les merdouilles en carton de TotK.
Il faut la recharger avec des matériaux mais rebondissement, c'est les matériaux les plus communs qui fonctionnent le mieux, dix pommes ou bouts de monstre à la con et ça repart (et on est tranquille pour un moment).

Je trouve l'histoire dans ces grandes lignes globalement pas mal pour ce format très axé jeu et donc peu encombrante. Le côté simple et direct de Link qui doit retrouver la mémoire pour redevenir le héros est d'une efficacité redoutable en terme de leitmotive du début à la fin. Les souvenirs donnent dans l'ensemble une petite épaisseur niveau pouvoir mystique de Zelda. Et c'est un poil plus épais quand on a fait Skyward Sword et qu'on sait comment la déesse Hylia s'y prend pour éveiller les pouvoirs de nos héros en jouant sur la dynamique de leur relation.

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