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Fan de Miller (Gérard)
Yazu

sherman - 23 Oct 2023

Je n'ai pas lu l'article de Madmoizelle pour ne pas me spoiler mais si c'est comme l'analyse débile de Wikipedia sur Utu (préférez l'analyse de dvdclassik)...

Le film passe à ses débuts pour être anticolonialiste. La scène du début rappelle incontestablement les massacres d'Amérindiens filmés en 1970 par Arthur Penn dans Little Big Man et par Ralph Nelson dans Soldat bleu. Sauf que les scénaristes d'Utu insistent sur les réactions inapropriées du capitaine maori,Te Wheke décidé à tout prix à se venger. Mais il n'est jamais question ici, de faire juger, comme cela y avait été dit en conclusion de Soldat Bleu , "un des massacres les plus injustes et les plus ignobles de l'histoire des Etats-Unis" : le Massacre de Sand Creek de 1864) commis par le colonel John Chivington / Iverson ; ou comme dans Little Big Man de faire mourir conformément à l'Histoire dans une bataille rangée (Little Big Horn en 1876) le général Custer pour les massacres de la Washita et de la Rosebud3. Te Wheke sera lui bien poursuivi, jugé et condamné à mort tandis que le colonel Elliot, responsable impuni du massacre, reste au contraire un des personnages clés de l'histoire et n'a rien de haîssable.

Une séquence rappelle les anciens westerns classiques américains dans lesquels les cow-boys affrontaient en toute bonne conscience les assaillants indiens. Ainsi le fermier, Williammson, et sa femme, Emily, résistent avec des armes à feu un temps à l'attaque maorie et abattent héroïquement (d'où le sous-titre à sa sortie en France "western, sauvage, épique, flamboyant") plusieurs indigènes, avant que les survivants n'aient raison de la femme et ne croient à tort avoir également tué le mari. Mais la mort de la fermière est considérée comme un des crimes de Te Whek passible d'un jugement. Dans Soldat Bleu la Blanche indienne, Chresta4 (Candice Bergen), expliquait à son compagnon Honys Gent (Peter Strauss) que le massacre d'une vingtaine de soldats tués et cruellement étripés au début du film par les Cheyennes, auquel il avait survécu, n'était qu'une goutte d'eau dans la rivière", au regard des innombrables tueries et scalps de femmes, enfants, vieillards amérindiens, perpétrés par l'armée américaine, dont elle était témoin depuis deux ans. Ce dont Honys aveugle, qui victimisait par des prières et des poèmes une armée à ses yeux héroïque, eut confirmation, à la fin du film. Au milieu du film Chresta se répèta en lui ajoutant tout crûment : "avec quoi veux-tu qu'ils se défendent : avec leurs fesses ? " Puis avec une amère ironie devant les charniers du massacre de Sand-Creek elle s'exclama : "alors soldat de mon cœur, tu as une prière à réciter, tu as un beau poëme à chanter". Et Honis de réagir par un vomissement. Dans Utu le désir de vengeance semble fautif quand il émane de d'un indigène témoin d'un crime contre l'humanité, caractérisé par la mort de dizaines ou de centaines de femmes, enfants et vieillards sans défense, mais justifié quand il provient d'un homme blanc qu'un combat a blessé et rendu veuf.

Ce film constitue un plaidoyer pour la peine de mort. Et la notion juridique de meurtre ou d'homicide de la part de Te Wekh est d'autant plus discutable que la mort d'Emily est consécutive à une chute d'un étage de la maison et non à un tir ou à une agression physique, et que Williamson lui-même n'a été que blessé. Il s'agissait seulement pour les Maoris de s'emparer d'armes et de munitions que le couple refusait de leur donner. De même d'ailleurs que les cheyennes attaquaient au début deSoldat Bleu le convoi militaire pour s'emparer de lingots d'or qui leur permettraient d'acheter des armes, nécessaires à leur survie. Mais dans Utu aucun avocat n'était présent au "procès" de Te Whek pour tenir de tels propos. En fait le réalisateur-scénariste justifie l'ordre colonialiste blanc, censé représenter à ses yeux le sens de l'histoire et considère le massacre du début du film comme un incident de parcours. Williamson, ami prétendu des maoris, n'éprouve aucun malaise à faire alliance avec leur boucher, le militaire Elliot. Nous sommes loin de l'esprit contestataire de l'Amérique cinématographique des années 1970 contre la guerre du Viet-Nam et pour les droits des femmes blanches, pleinement solidaires des minorités, à l'égalité avec les hommes.