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JVRS

(Désolé gros pavé écrit avec les pieds mais je me suis pas trop relu) Je voulais apporter un point de vue sur les fils d'immigrés qui "subissent" l'immigration. Je suis extrêmement religieux, ma femme l'ait, mes parents le sont. Et pourtant nous sommes venus en France parce qu'on nous l'a vendu comme l'El Dorado (ce qu'il est, mais pas pour tous, et pas sans conditions). Nous avons été attirés par des sirènes (qui sont composés soit d'autres immigrés qui survendent leur situation de merde, soit des entreprises qui vont rameuter tout un village entier pour par exemple faire tourner leur usine).

Je suis Zaki au passage.

Je suis originaire d'Algérie, j'y ai passé le premier tiers de ma vie, profitant d'une enfance privilégiée grâce à mes parents, qui géraient une entreprise de logistique en plein essor. J'ai reçu une éducation de qualité sur tous les aspects et j'ai grandi dans un quartier respecté, j'avais même le privilège d'avoir des profs qui me donnaient des cours du soir. Pendant ces années, notre famille était souvent perçue comme un exemple de réussite dans une Algérie où le concept de "manger les riches" n'avait pas encore pris racine. Cette période a profondément façonné ma personnalité.

Cependant, malgré ce contexte idyllique, mon père a développé une aversion envers l'Algérie. Il s'agit du père arabe typique pro-frère musulman anti-tous les autres gouvernements. Durant les "années noires" (1990-2000), la liberté d'expression était sévèrement réprimée, et même après cette période la surveillance gouvernementale (même sur Internet) était une réalité pour prévenir toute forme de terrorisme. Cette vigilance a joué un rôle crucial dans la prévention de l'établissement de groupes extrémistes comme Daesh en Algérie, puisque le moindre soupçon de lien c'était un aller simple pour faire du tourisme à pied dans le désert.

Dans ce contexte, mon père se sentait en danger. En particulier quand il est pas capable de se taire, et son père d'origines françaises l'invitait fréquemment. C'est ainsi qu'on a décidé de déménager en France. Cependant, cette transition a créé une certaine confusion en moi, m'obligeant à naviguer entre deux cultures. Nous avons d'abord emménagé dans un quartier d'immigrants en Franche-Comté. J'ai été immédiatement séduit par la simplicité de la vie locale (qui contrastait sévèrement avec ma ville d'origine Oran qui était la deuxième ville d'Algérie). La diversité de la communauté, qui restait majoritairement française tout de même, et le respect de la loi locale étaient notables (peu de délinquance, pas de graffitis, pas de poubelles/voitures en feu, sentiment de sécurité même la nuit dans les bois). La discrimination et le racisme n'ont jamais marqué cette étape de ma vie.

Malgré le charme de cette vie paisible, un décalage m'a frappé : nous étions nettement plus modestes qu'en Algérie. Mon père, autrefois chef d'entreprise, était devenu un ouvrier d'usine. Je ne comprenais pas pourquoi nous restions dans un pays qui ne nous apportait pas d'avantages significatifs par rapport à l'Algérie, d'autant plus que notre dévotion religieuse demeurait inchangée et clashait sévèrement avec les valeurs du pays.

Tu ne manges pas de tout, tu ne bois pas avec eux, le curseur de la pudeur n'est pas placé au même niveau. Je ne suis même pas entrain de parler du voile, j'ai été choqué à la piscine où on se changeait tous dans le même vestiaire et la plupart des élèves se mettait nu complètement. De plus, mes parents devaient repartir de zéro sur le plan de la carrière professionnelle, une bataille qu'ils ne parviendraient jamais à gagner. Toutes les entreprises que mon père a tenté de créer en France ont fait faillite. Et pourtant on restait.

Malgré ces défis, la tranquillité du village était plaisante et comme j'étais enfant je n'étais pas encore très exigeant. Cependant, lorsque nous avons déménagé dans les Yvelines pour des raisons professionnelles, j'ai été confronté à une réalité plus sombre de la société française, marquée par la délinquance et des tensions raciales croissantes à partir de 2005.

Mon parcours par la suite était des plus privilégiés et chanceux. J'ai eu la chance d'intégrer de bonnes filières universitaires et d'obtenir un diplôme en MIAGE, reconnu internationalement. Après sept ans passés dans une entreprise en plein essor, dont j'étais le premier employé à rejoindre, j'étais sur le point d'acquérir des parts de l'entreprise et de diriger le département technologique. Je me voyais déjà entrain d'acheter ma maison et ma voiture.

Toutefois, face à la dégradation de la situation en France, j'ai choisi de quitter le pays, non pas par rejet total des valeurs françaises, mais par désillusion. Je me rendais compte que je n'étais pas compatible avec la vie française. Que j'ai beau vivre ici paisiblement dans mon quartier pisciacais je me forçais parmi des gens qui ne voulaient pas de moi, pas dans mon état actuel.

J'ai envisagé un retour en Algérie et j'ai commencé à me préparer, mais une opportunité s'est présentée en Arabie Saoudite. Malgré le choc culturel, le partage de valeurs religieuses a facilité ma transition. Certes, il y a eu des sacrifices à faire, mais j'ai trouvé la paix d'esprit.

Mais ce n'est vraiment pas aussi iddylique que j'aurai aimé. Je n'ai plus ma baguette du matin. Je n'ai plus le climat français que j'aimais tant (bon apparemment vous non plus avec le changement climatique..). Je n'ai plus le français qui est quand même devenu ma langue maternelle après presque 20 ans en France. Je n'ai plus mes amis et ma famille qui sont tous en France. Et souvent la France me manque.

Mais récemment, lors d'un voyage en France pour voir mes parents, j'ai emmené mes enfants à Montmartre pour leur faire visiter. On y est allé tôt le matin pour éviter les touristes et profiter du calme et des rues vides. Et malgré la beauté du lieu, notre présence perturbait les habitants locaux. Je n'arrive pas à me souvenir si c'était comme ça avant, mais les regards étaient pesants (même de la part des caissières). Les habitués du quartier entrain de siroter leur café un journal à la main, on les dérangeait clairement de par notre présence (je suis barbu et ma femme est voilée). Ça m'a bien servi de piqure de rappel.

Cela m'a amené à réfléchir sur la situation de ceux qui sont moins privilégiés que moi. Il faut un courage monstre pour quitter son confort et son entourage, pour ne serait-ce qu'envisager de quitter le pays. Il faut un effort considérable pour rester dans le pays choisi une fois la France quittée (j'en connais plein qui font demi-tour après quelques années). Malgré mes privilèges, mon parcours, mon emploi, le fait que je parle déjà la langue du pays, que je partage les valeurs, et bien j'ai du mal, certes j'ai l'esprit tranquille mais j'ai du mal.

Mais je sais bien que la France (ou tout l'Ouest même) ce n'est plus une option. Nous, les immigrés, les africains en particulier, nous avons trop dégradé la situation et on a un retour de flammes bien mérité. On peut essayer de réfléchir aux causes historico-socio-culturelles qui nous font comporter comme des singes pour se dédouaner un peu et s'anesthésier la conscience mais en fin de compte on a fait ce qu'on a fait, on a cassé un environnement de rêve.

L'Occident, en ouvrant les vannes de l'immigration non contrôlée, a créé des monstres dont l'identité a le cul entre 2 chaises. Et aujourd'hui ces monstres sont français sur le papier. Je ne sais pas comment le pays va régler ce problème. En particulier quand les gouvernements successifs n'arrivent à régler aucun problème (éducation, énergie, agriculture, complotisme, etc.).

Je ne peux pas m'empêcher d'avoir de la peine pour la France.

Edit par JVRS (16 Jul 2023)