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https://pen.org/report/made-in-hollywoo … y-beijing/


L'autocensure prochinoise de Hollywood

Des producteurs, des scénaristes et des financiers d'Hollywood ont expliqué à PEN America jusqu'où va l'industrie du cinéma pour satisfaire le Parti Communiste Chinois (PCC). PEN America en rend compte dans un rapport révélateur rendu public mercredi (5 août).

"La plupart des gens ici ne se mettent pas la Chine à dos parce qu'il y a l'idée sous-jacente de se dire 'Si je fais ça, je ne trouverais plus de travail'", déclare un producteur à PEN America.

"Vous consultez des experts et des consultants en médias chinois, vous réfléchissez à la question de savoir si quelque chose dans votre travail risque d'être perçu comme une critique", ajoute un autre producteur. "Vous craignez de franchir une ligne rouge par inadvertance."

Le public chinois est un marché extrêmement lucratif pour les cinéastes américains, la Chine étant en passe de dépasser les Etats-Unis et de devenir le premier marché de l'exploitation cinématographique au monde. Le Hollywood Reporter a noté que les films américains ont réalisé plus de 2,5 $milliards de chiffre en Chine l'année dernière.

Mais la vente de billets de cinéma en Chine a un prix, car le gouvernement chinois a un contrôle total sur les films qui parviennent à leur public. Le Département Central de la Propagande du PCC contrôle la surveillance des médias.

"Le gouvernement chinois impose un système strict d'examen avant d'autoriser l'exploitation d'un film, et se réserve le droit d'interdire l'exploitation de tout film jugé non conforme dans les salles de cinéma du pays, et même sur le streaming en ligne,", note PEN America dans son rapport.

Il contrôle également la date de sortie d'un film, la durée de sa diffusion et les salles qui le diffusent. Pékin utilise un système de quotas pour réglementer le nombre de films non chinois qui entrent en Chine. Ces réglementations et d'autres dispositions incitent également les studios d'Hollywood à faire des films en coproductions avec des producteurs chinois. C'est financièrement lucratif mais place la production encore plus étroitement sous la supervision du gouvernement communiste.

En outre, la Chine a adopté en 2016 la loi sur la promotion de l'industrie cinématographique, qui interdit les films qui, entre autres, portent atteinte à "la dignité, l'honneur ou les intérêts nationaux", minent la "stabilité sociale" ou déprécient les "traditions culturelles ethniques exceptionnelles". C'est le genre de langage que le PCC utilise pour inculper et emprisonner ses citoyens pour discours politique subversif.

PEN America cite d'innombrables exemples de studios d'Hollywood qui ont coupé des scènes susceptibles de déplaire au PCC.

Dans 'Mission Impossible III', les censeurs chinois ont fait pression avec succès pour qu'on coupe une scène où l'on pouvait voir une "corde à linge accrochée à la fenêtre d'un appartement de Shanghai, chargé de sous-vêtements en lambeaux". En 2015, 'Mission Impossible – Rogue Nation' a reçu un financement de la China Movie Channel, qui est détenue par le gouvernement chinois.

Dans le film de la série James Bond 'Casino Royale', Judy Dench a dû changer une remarque sur "la Guerre froide nous manque", pour la remplacer par une formulation plus neutre et plus générale, "le bon vieux temps nous manque". Toutes les scènes normalisant ou encourageant les attirances envers le même sexe sont également systématiquement censurées.

Quentin Tarantino a fait la une des journaux en 2019 pour avoir refusé de modifier le contenu d'un de ses films pour complaire au PCC.

Il ne s'agit pas seulement de la censure des sorties chinoises de films hollywoodiens. La pression de la Chine entraîne aussi souvent la censure des sorties aux USA et dans le monde entier, – celles qui finissent devant les spectateurs américains et les autres publics internationaux.

Sony a coupé une scène d'"extraterrestres faisant tomber la Grande Muraille" dans son film 'Pixels' de 2015 par crainte de contrarier les censeurs chinois. Des fuites des courriels échangés entre eux par les dirigeants de Sony ont révélé qu'ils avaient changé la version globale, et pas seulement celle publiée en Chine, pour essayer de dissimuler leur politique de soumission à la censure chinoise. "Si nous changeons seulement la version chinoise, nous nous mettons en position de donner à la presse l'occasion de nous interroger sur la chose, parce que les blogueurs, qui comparent systématiquement les versions, auront diffusé le constat que nous avons changé la scène pour satisfaire aux conditions du marché chinois", était-il écrit sur l'un d'eux.

D'autres courriels ont fait part de leurs inquiétudes concernant le film 'Captain Phillips', qui montre l'armée américaine en train de sauver un homme des pirates somaliens. "La Chine ne ferait jamais la même chose et ne voudrait en aucun cas promouvoir cette idée", écrit Rory Bruer, président de la distribution mondiale de Sony, en 2013.

Dans 'RoboCop', en 2014, Sony a également apporté des changements pour minimiser les liens du gouvernement chinois avec une société américaine dans le film.

Sony a également changé numériquement les soldats chinois en soldats nord-coréens dans le remake de 'Red Dawn' en 2012, un film sur des lycéens américains qui se battent contre une armée d'invasion. Le film original de 1984 se déroulait pendant la Guerre froide avec des soldats soviétiques ; le remake mettait en scène l'armée chinoise jusqu'à ce que Sony la remplace par celle de la Corée du Nord. Le studio a également abandonné une histoire expliquant que l'armée chinoise envahissait les États-Unis pour avoir failli au paiement de leur dette nationale.

Les Studios Marvel ont même blanchi un personnage de 'Dr. Strange' en 2016 pour éviter de reconnaître l'existence du Tibet. Le personnage, joué par Tilda Swinton, est passé du tibétain au celtique. "Si vous émettez l'idée que le Tibet existe en tant qu'entité géographique et éventuellement nationale... vous risquez que le gouvernement chinois vous dise 'Nous n'allons pas montrer votre film'", a reconnu l'auteur du film, C. Robert Cargill.

Dans la bande annonce de la suite de 'Top Gun', dont la sortie est prévue pour 2021, Paramount a discrètement retiré le drapeau taïwanais du blouson de cuir de pilote porté par le personnage de Tom Cruise.

Un autre film de Paramount, 'World War Z', a été modifié pour éviter de mettre la Chine en colère en 2013. Une conversation dans laquelle plusieurs personnages spéculent sur l'origine chinoise d'un virus provoquant l'apocalypse des zombies (un point de l'intrigue tiré du livre sur lequel le film était basé) a été modifiée pour essayer d'obtenir la sortie du film en Chine, laquelle n'a finalement jamais eu lieu. L'auteur du livre a ensuite déclaré, après le début de la pandémie de Covid-19 en Chine, qu'il avait spécifiquement choisi la Chine comme origine de l'épidémie virale fictive "parce qu'il ne suffit pas d'avoir une population importante et un réseau de transport rapide, pour que le virus puisse se propager comme un feu de forêt. Il faut aussi un gouvernement qui soit prêt à réprimer la vérité".

Lorsque l'actrice Crystal Liu du remake en direct de 'Mulan' de Disney a exprimé son soutien à la police chinoise qui emprisonne les manifestants pro-démocratie à Hong Kong, Disney ne l'a jamais réprimandée ni même parlé publiquement de la question.

Parmi les autres sujets qui sont généralement désapprouvés par le PCC figurent les manifestations de la place Tiananmen et de Hong Kong, les questions de la souveraineté territoriale du PCC dans la mer de Chine du Sud et ailleurs, et même les voyages dans le temps. Les histoires sur le surnaturel peuvent également déclencher des inquiétudes et des vetos. Comme le montrent les restrictions sur les voyages dans le temps et les histoires de fantômes, ce ne sont pas seulement les scènes de plusieurs secondes que le PCC désapprouve ; il peut s'agir de genres entiers.

Ce n'est pas seulement la réduction du contenu qui indispose le PCC. Les studios américains ajoutent activement du contenu qui favorise la propagande de l'État chinois, en échange d'un traitement favorable de la part du gouvernement chinois.

"Voici trois exemples parmi tant d'autres" note PEN American : "les films '2012', film-catastrophe de 2009 de Columbia Pictures réalisé par Roland Emmerich, le film de 2013 de Warner Brothers 'Gravity' du réalisateur Alfonso Cuarón, et 'Arrival', le film d'invasion extraterrestre de 2016 de Paramount, prédisent tous une fin heureuse aux forces chinoises qui viennent à leur secours". Il est également "communément admis", est-il précisé, "que les futurs méchants du cinéma ne seront pas chinois".

Dans 'Iron Man 3', Marvel a même ajouté une scène spécialement destinée au public chinois pour plaire au PCC, qui montre des médecins chinois essayant "frénétiquement" de sauver la vie du héros. Des "régulateurs" chinois ont également été amenés sur le plateau pour leurs conseils sur le film, ont déclaré des sources de la production au New York Times. Le Times a qualifié cette autocensure de "comportement standard".

Le film de Paramount sorti en 2014, 'Transformers : Age of Extinction', produit conjointement avec les médias d'État chinois, a fait l'objet d'une propagande si évidente qu'une critique de Variety l'a qualifié de "film splendidement patriotique, si vous êtes Chinois".

Et dans le film de Bruce Willis de 2012 'Looper', après qu'une agence chinoise ait accepté de financer près de la moitié du budget du film, les scènes de Paris ont été déplacées à Shanghai, et une ligne a été ajoutée au script d'un personnage : " Je viens du futur. Tu devrais aller en Chine"..

Dans le film de requins de Gravity Pictures, 'The Meg', Hawaï a été transféré en Chine et les scientifiques qui étaient Japonais dans le livre original sont soudainement devenus chinois.

Et le film d'animation de Dreamworks 'Abominable' montre une carte qui prend à son compte les revendications chinoises sur la Mer de Chine du Sud, malgré la jurisprudence internationale qui s'oppose aux revendications territoriales du gouvernement chinois.

"L'essentiel d'un récit dans un film n'est pas ce qui change, mais ce qui est soumis à autorisation ou pas", explique Michael Berry, directeur du Centre d'études chinoises de l'UCLA.

PEN America a également fait remarquer que la censure s'est souvent imposée d'elle-même, avant même que les autorités chinoises n'aient eu l'occasion d'intervenir. "Si vous proposez un projet qui est activement critique... [vous risquez] que vous et votre entreprise soient mis sur une liste noire impérative ; ainsi, le résultat est bien qu'ils interfèrent même indirectement sur vos projets actuels et futurs", explique un producteur d'Hollywood à PEN America. "Cette idée est constamment dans la tête".

Entretemps, l'administration Trump a adopté une position de plus en plus dure à l'égard de la Chine, et a reproché à Hollywood de "se plier" aux ordres du gouvernement communiste du pays.

"C'est vrai", a déclaré un scénariste d'Hollywood. "Cela affecte non seulement ce que le public chinois voit, mais aussi ce que les Américains regardent."