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Patrick Bateman
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Pavé incoming !

Je viens de finir le meilleur bouquin de philosophie politique que j'ai jamais lu, celui qui m'a le plus apporté en termes d'idées, d'analyse, de dévoilement de choses évidentes et pourtant jamais analysées et de pistes de réflexion depuis les 10 dernières années :

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Michéa repart de la base du libéralisme : que l'homme est mauvais et que seules les structures permettent de concevoir la moins mauvaise solution possible : une coexistence plus ou moins pacifique, plus ou moins harmonieuse d'unités égoïstes de production et de consommation, maximisant chacune leur profit et créant une "société".

De là, il explicite très clairement que la droite et la gauche ne sont que deux facettes d'une même pièce :

- La droite libérale s'occupe du Marché : de son extension, des conditions socio-économiques d'existence, de la fourniture des services nécessaires créées par les besoins (l'offre).
- La gauche sociale-libérale/libertaire s'occupe du Droit : extension infinie des droits (droits des homosexuels, droit de vote des étrangers, sans-papiérisme, extension du salariat pour les femmes), judiciarisation poussée de la société, promotion du divorce, destruction des cultures populaires (traditions, coutumes) et remplacement par la culture de masse, fête généralisée, cadre moral de pensée, promotion du jeunisme, de la liberté, de la diversité, multi-culturalisme (les nouveaux besoins martelés par les médias).

De là, on voit tout de suite que les grands perdants sont les classes populaires : même en votant pour la gauche afin de ne pas être perdante économiquement (et encore...), elle sera perdante sur des droits dont elle n'a que faire et qui détruisent ses valeurs (oh le vilain mot) : famille, solidarité de proximité du quartier, de l'usine, du syndicat, entraide, etc.

L'extrême-gauche en prend pour son grade : depuis le beauf de Cabu et le film Dupont Lajoie, le français de base sera toujours trop beauf, pas assez ouvert à l'Autre, pas assez multi-culturel, pas assez libertaire et anti-conformiste pour cette avant-garde progressiste qui a Raison. Bref, rien à attendre de ce côté là pour le français moyen.
Une parenthèse : l'explication est assez simple : la fracture vient à mon sens de mai 68 : pseudo-révolution menée par des petits-bourgeois de l'université se prenant pour l'avant-garde intellectuelle allant mener les masses prolétaires à la libération, les ouvriers ont vite vu que tout ça n'était pas leur combat : eux, en toute logique, étaient finalement très contents des structures politiques et économiques du pays, ils avaient des valeurs de base de toute société : famille, structures de sociabilité et un travail, ils ne voulaient que profiter des fruits de l'accroissement de leur productivité : conditions de logement, voiture, électro-ménager. De plus, le PCF/CGT voyait d'un très mauvais oeil les libertaires/maos/troskystes qui menaient toute cette agitation.
Dans les années suivantes, les maos ont donc tenté d'aller directement travailler dans les usines pour conscientiser les masses, et devant l'échec de cette stratégie (années 72/75), ont développé une haine tenace de l'ouvrier beauf et se sont recyclées dans le tiers-mondiste et la défense d'un nouveau prolétariat qu'ils ont contribué à faire venir : SOS Racisme, soutien aux sans-papiers, terrorisme intellectuel, amalgames, anathèmes, acceptation aveugle du nouveau credo Islam vs impérialisme. Toute cette galaxie finira par imploser (c'est déjà en cours) sous le poids des contradictions : défendre le féminisme et le port du voile, défendre l'ouvrier de banlieue qui prend sa voiture le matin pour aller travailler et le délinquant qui brûle cette même voiture, dire que la burqa n'est pas l'Islam mais qu'il ne faut surtout pas interdire l'une parce qu'il ne faut pas stigmatiser l'autre (logique fail), tout ça va être de plus en plus compliqué, il va falloir faire des choix (il ne seront pas faits, ça sera toujours la faute 1/ au Système 2/ au Capital 3/ à l'Empire et c'est l'électeur qui fera ce choix en allant voir ailleurs).

Michéa passe assez rapidement (vu leurs échecs historiques, pas besoin d'en faire trop) sur les autres systèmes politico-économiques qui partent de la même hypothèse de départ et qui ne sont que des réactions au libéralisme : le fascisme et le communisme, toutes deux soumissions de l'homme mauvais à une super-structure permettant de le mater et de le régénérer sous la figure de l'Homme Nouveau.

Les conséquences de la prémisse de départ sont alors implacables :

- Puisque l'homme est mauvais, alors rien ne sert d'essayer de l'élever (et donc, tout se vaut, le relativisme est roi, c'est la fuite en avant vers toujours plus 1/ d'extension du commerce dans les relations humaines 2/ d'extension du droit pour éviter de se foutre sur la gueule avec tout le monde, forcément différent dans son individualité et son égoïsme).
- Puisque l'homme est mauvais, alors il faut en créer un autre, un bon : de la moins mauvaise des solutions, on passe au meilleur des mondes : l'Homme Nouveau est le nouvel horizon (biotechnologie, cybernétique, etc).

Sur les conséquences politiques et en terme d'"offre politique", Michéa ne s'étend pas longuement dessus (c'est pas le propos du bouquin) mais il est partisan de la thèse de la "common decency" héritée d'Orwell, qu'il ne développe pas, il a écrit un autre bouquin dessus.

Tout cela parait presque évident sur un résumé mais la force du bouquin est que :
1/ Je ne crois pas avoir vu de bouquin présentant cette thèse de manière aussi articulée, limpide, précise et argumentée. J'avais senti, lu, réfléchi sur des morceaux de tout ce qu'il présente mais jamais sur l'ensemble. Tout est "mais bien sûr pourtant, c'est évident que c'est ça".
2/ En 200 pages, le bouquin foisonne de références, de trucs à approfondir, c'est ce qui en fait sa force.