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J'aime bien Proust mais c'est dommage qu'il y ait pas plus d'images.
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Seigneur_Klaus - 07 Nov 2012

Le but du film c'est de le comparer avec le reste de son oeuvre, pour parler de 2 époques différentes.
Au départ, Kitano, c'était un peu le cinéaste du songe (au sens propre dans Jugatsu), de l'évasion (la plage dans Sonatine, directement évoquée à la fin d'Outrage), échappatoires obligatoires pour pas se prendre les sentiments qu'il montre toujours comme des explosions (au sens propre de nouveau) en pleine gueule. La beauté un peu paradoxale vient du fait que malgré que ça pète, ça reste des relations entre personnes sensibles.
Dans Outrage, on passe à l'ère du fric omniprésent (ça démarre sur une dette) qui s'immisce incognito mais pas trop dans les plans, devenu unique lien entre les personnes. Désormais, tout le monde est interchangeable, symbolisé par le fait qu'au bout d'un moment, on comprend plus grand-chose à l'intrigue, qui défend qui, pourquoi. En fait, ça n'a plus d'importance, les sensibilités ont disparu, les personnalités aussi (y en a pas un à sauver, la fin dans la prison le montre), l'important est d'avoir la mallette de billets à la fin (littéralement encore une fois, le comptable est assis avec le nouveau boss qui lui a interrompu le fameux moment à la plage, alors qu'avant, les coups de feu participaient à la magie de ce moment : le duel feu d'artifice/flingue dans Sonatine).
Une fois les sentiments disparus, le corps perd son identité, on se fout de savoir à qui il appartient, et là l'outrage en question peut commencer. Le corps n'a plus comme seul intérêt que d'être un défouloir pour les autres, et c'est particulièrement dégueulasse parce que ce n'est pas une blessure physique dont on guérit mais l'anéantissement de la personne elle-même.
Le songe est terminé, au lieu de fuir, on converge vers l'argent et le pouvoir, et on se rentre tous dedans avec une rare violence, le problème étant que ça n'a jamais de fin puisque qu'il n'y a pas de somme limite d'argent à gagner et le pouvoir n'a en fait pas d'intérêt (tu te fais chier en survet sur ta terrasse), l'intérêt est d'assimiler/éliminer tous les autres pour être le dernier à crever.
J'ai lu qu'il avait fait ses comédies récentes dans des tentatives de réfléchir sur lui-même et de retrouver l'inspiration. Je crois qu'il a trouvé des réponses, malheureusement pour réaliser que l'époque de ses débuts est révolue. C'est rare que quelqu'un travaille à ce point sur sa propre production je trouve, et le fasse aussi bien surtout, avec un film à la fois contemporain (capitalisme tout ça) et tourné vers le passé. On y retrouve pas la grâce de ses précédents films simplement parce qu'elle a disparu de notre environnement, c'est ce qu'il nous dit en tout cas.
J'écris un petit pavé parce que je trouve qu'Outrage a été beaucoup critiqué notamment dans la presse, alors que pour moi c'est un des plus intéressants de Kitano, même si c'est très pessimiste (et il est évidemment pas le seul à tenir ce discours).