MikFlykos
McFly
... a écrit :
McFly a écrit :

L'auteur du mémo a beau avoir voulu bien faire, il ne possédait absolument aucun instinct de survie et est juste débile.

Accepter qu'il faille "un instinct de survie" pour exprimer une opinion, c'est accepter l'état Orwellien de la situation actuelle.

On appelle cela le monde des (grandes) entreprises.

Bon je vais balancer une anecdote étant donné que les personnes concernées ne sont plus en poste et moi non plus d'ailleurs.

Y a quelques années durant mes études, grâce à un bon gros népotisme des familles, j'ai réussi à décrocher un stage de longue durée au sein de Sanofi et plus précisément au sein des Affaires juridiques.

Pour la faire courte, le PDG de l'époque, Chris Viehbacher, avait choisi personnellement son numéro 2 qui était également le directeur de la R&D. Le directeur qu'il avait choisi était un connard fini. C'était un politicien dans le sens que le type était con comme un balais à chiotte et incompétent sur à peu près tout. Par contre il avait fait une brillante carrière au sein de multiples administrations américaines ultra-importantes dont la FDA (Food and Drug Administration) car il savait parfaitement bien naviguer en eaux troubles, enculer les gens et se protéger (il adorait répéter qu'il n'y a pas "plus con qu'un sénateur" en parlant des sénateurs américains).

Pour vous donner des exemples de ce que faisait le type : quand un projet était nul et qu'il ne voulait pas prendre ses responsabilités, il donnait l'information X au service Y mais il ne donnait pas exprès la même information au service Z (ou alors une information tronquée) quand bien même ces services devaient travailler ensemble. Ensuite, quand la merde arrivait, il se protégeait en disant que c'était pas sa faute et que c'était à cause du manque de coordination entre les services. Ou encore, durant la "fête" de fin d'année de Sanofi, il remerciait uniquement un sous-directeur précisément et ignorait les autres durant son discours dans le seul but de créer une atmosphère délétère et de la jalousie. Etc.

BREF. Afin de se faire mousser, il a porté un projet nul à chier (tout le monde disait que le projet était mauvais, que la concurrence avait mieux sur le marché depuis 10 ans etc) qui coûtait tout de même 200 millions d'euros. Quand le projet s'est complètement cassé la gueule, il a, comme d'habitude, refuser de prendre ses responsabilités, dit qu'il n'était pas au courant etc.
Faut comprendre que tout le monde (même les "simples" salariés) savaient qu'il mentait comme un arracheur de dents car nous avions tous les e-mails qui prouvaient qu'il était parfaitement au courant de la situation, des mises en garde contre le projet etc.

Et on arrive au moment intéressant. Arrive un conseil d'administration. Les représentants des administrateurs ne sont pas des cons, loin de là. Ils possèdent des équipes d'analystes (financiers) et connaissent la situation et le fonctionnement de Sanofi dans ses moindres détails. Et eux aussi savaient que ce directeur mentait comme un arracheur de dents et que c'était pas la première fois.

Tous les directeurs étaient présents, le PDG était présent, les analystes financiers et les représentants des administrateurs aussi. Comme d'hab', le directeur essaie de se défausser de sa responsabilité.

Et là, arrive le directeur du marketing. Il se met à hurler. Mais à hurler d'une force. Je n'étais pas présent au conseil évidemment mais tous l'étage l'a entendu tellement il hurlait. Il hurlait en (anglais) "T'ES UN PUTAIN DE MENTEUR ET TOUT LE MONDE AUTOUR DE CETTE TABLE SAIT QUE T'ES UN PUTAIN DE MENTEUR. NOUS AVONS TOUS LES MAILS QUI PROUVENT QUE TU ÉTAIS AU COURANT SALE MENTEUR" etc. C'était juste du jamais vu.

Et tu crois, cher Tim, qu'il s'est passé quoi suite à ce conseil ? Le type avait quand même fait perdre 200 millions d'euros à Sanofi sur ce SEUL projet et ce fut l'une des raisons données pour un futur PSE en plus smiley29

Et bien il ne s'est strictement rien passé. Pourquoi ? Car le directeur de la R&D avait été choisi par le PDG. Et que le PDG ne pouvait pas le virer car sinon il se serait retrouvé affaibli et aurait été une "proie" facile pour le conseil d'administration (certains administrateurs voulaient le virer pour la simple raison qu'il était Canadien et non pas Français et faisaient tout pour y arriver). Pourtant tous les gens autour de la table savaient que le directeur du marketing avait raison et tous savaient que c'était pas le premier coup de pute que directeur de la R&D faisait.

La seule chose qui a sauvé son emploi au directeur du marketing (qui lui avait zéro soutien politique) ? Le fait qu'il avait plus de 60 ans et un cancer particulièrement agressif et que tout le monde était persuadé qu'il ne serait plus de ce monde d'ici grand maximum 18 mois (ce fut le cas au passage, il est mort peu après la fin de mon stage). Mais les R&H nous ont quand même dit que si il était toujours là, qu'il faudrait le virer smiley14

Une entreprise n'est pas une démocratie et encore moins les grandes entreprises qui dans leur fonctionnement, ressemblent plus à des administrations publiques qu'à autre chose à cause de leur taille et de leurs liens (proches ou non) avec la politique. Tu peux avoir raison autant que tu veux, si t'as aucun soutien politique, sur la chaîne alimentaire, tu représentes le plancton : tu te fais bouffer.

Et pour un sujet aussi polémique que celui du mémo de Google, les entreprises appliquent la loi de l'emmerdement minimum. C'est-à-dire qu'elles ne cherchent pas à savoir qui a raison : elles virent les personnes à l'origine de la polémique, font un communiqué bateau pour sauver les meubles et fin de l'histoire. Si tu veux vraiment en parler, va faire de la politique à temps plein, mais "chez nous", c'est non.

Donc oui, l'ingénieur de Google n'avait aucun instinct de survie et ne comprenait absolument pas où il évoluait. "Les salariés, ça se remplacent" comme disait mon chef smiley16

McFly (08 Aug 2017)