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Chronique : De la réhabilitation de Nintendo

Le fabuleux destin de... - Par KamiOngaku - 01 Janvier 2008 20:07:23

Réhabiliter Nintendo ? Comme à l’impossible nul n’est tenu, contentons-nous du cas Iwata. Celui-ci est en effet devenu, pour beaucoup, l’homme par qui le ver casual est entré pleinement dans le fruit jeu vidéo, le dévorant avec autant d’appétit qu’un otaku devant un assortiment de sushis de chez Wada. Je vous propose donc de changer de point de vue. Si, quand Satoru Iwata s’était assis dans le fauteuil du Vieux, vous n’aviez pas acheté un GameCube, mais transformé le bas de laine de mamie en un bon gros paquet d’actions Nintendo, il est probable que vous verriez le bonhomme d’un tout autre œil : et s’il était aussi, voire avant tout, un dirigeant d’entreprise d’exception ?

Printemps 2004. Le Gamecube est d’ors et déjà voué à la bataille de la honte face au newbie yankee pour la deuxième place. Sur le marché des portables, la PSP de Sony, annoncée un an plus tôt, se précise pour la fin de l’année. Foin des Wonderswan et autres Neo-Geo Pocket, tout juste bonnes à venir chatouiller les Game Boy – et encore, au Japon seulement – pour laisser l’illusion d’une concurrence libre et non faussée (Giscard, si tu nous lis). Sony est ambitieux. Un peu comme Nokia un an avant. Problème pour la firme de Kyoto, Sony a les moyens de ses ambitions. Pour les observateurs cela ne fait aucun doute : la PSP est appelée à être la nouvelle success story du monde vidéo-ludique, évidemment au détriment de Nintendo. Alors que se profile, selon les plus pessimistes, un destin à la SEGA pour Nintendo, son jeune président, en poste depuis mai 2002, prépare la riposte de la firme. Sa riposte.

Son constat est simple. Avec la révolution Playstation, le jeu vidéo s’est ouvert à un nouveau public, plus âgé, plus friqué, aussi : une bonne chose, assurément. Depuis, le marché stagne. Cela n’empêche aucunement une croissance soutenue, à court terme, mais l’avenir pourrait s’avérer terni par la conjonction de coûts de développements croissants côté offre et d’un public stagnant côté demande. Il faudrait donc revoir la stratégie d’ensemble de tous les acteurs pour élargir une nouvelle fois le public, et offrir un relais de croissance salutaire à même d’éviter la faillite du business model actuel. Il est d’autant plus aisé pour Iwata de poser ces bases que Nintendo ne peut pas continuer sur sa lancée d’alors, avec un trend de ventes désespérément descendant sur les consoles de salon depuis la NES, et une concurrence très sérieuse annoncée sur son marché vache à lait des consoles nomades. Comment élargir le marché ? En ciblant les non joueurs, c’est tautologique. Autrement dit, les femmes et les vieux, et ce en misant sur la simplicité d’accès. Le casual gaming, en gros. Nous y voici donc.





Première étape de la reconquête : la DS. Laide, Playschool friendly et nettement moins puissante que sa grande rivale, elle est accueillie, et c’est le moins que l’on puisse dire, avec circonspection, n-sexs mis à part. Nintendo lui-même semble ne pas y croire, en l’annonçant comme un troisième pilier dans son offre, et non comme la remplaçante de la GBA, laissant ainsi une possibilité de sortie honorable en cas d’échec. Et pourtant, tout est déjà là : une technique limitée pour permettre une machine rentable et en même temps moins onéreuse, une fois en rayons, que la concurrence ; un soucis de la simplicité d’accès dans le but, on l’a vu, d’élargir le marché potentiel ; ajoutons à cela des gadgets niveau gameplay (micro et compagnie) pour rendre l’objet tendance et le faire passer pour innovant. La suite vous la connaissez : succès, DS Lite, re-succès, et peut-être DS Slim and Lite pour bientôt.

Conserver une place de leader est autrement plus aisé que la conquérir, en l’occurrence sur le marché des consoles de salon. Rude tâche, dévolue à la Wii. Là encore, c’est un coup de maître de la part d’Iwata. Dans le teasing, tout d’abord : le projet Révolution allèche les joueurs de tous bords, tant ce qu’il promet à l’époque des fameuses keynotes à mourir d’ennui d’Iwata - c’est-à-dire du vent, mais du vent qui donne envie - s’annonce comme une nouvelle donne sur le marché. Après tout, si changer notre manière de jouer pouvait à la fois permettre à plus de monde d’en profiter et offrir aux joueurs « à l’ancienne » des expériences vraiment inédites, qui s’en plaindrait ?

Dans la conception même de la machine, ensuite. L’absence de HD, par exemple, tellement logique tant la haute-définition n’équipait qu’une petite part des foyers à l’arrivée des consoles nouvelle génération, et restera minoritaire même en fin de vie de la Wii, mais tellement décriée. Pourquoi renchérir, par la gestion de la HD, les coûts de fabrication d’une console destinée à un très large public, qui ne sera pas équipé pour en profiter avant longtemps ? Iwata va plus loin : quitte à vendre une console nettement en retrait techniquement, avec un gap de toutes façons bien supérieur à celui qui séparait la PS2 de la Xbox, autant réduire les coûts à l’extrême. Bien joué : une Wii deux fois plus puissante que l’actuelle n’aurait pas permis une vente de plus, tant l’écart serait resté important entre elle et ses concurrentes. Par contre, une Wii aussi faiblarde, c’est une console donnée à produire, et des machines rentables dès la sortie. Dernier exemple pour montrer la conception ingénieuse de la Wii, les fameuses features inutiles faussement innovantes (rappelez-vous la DS), mais qui donnent le change auprès des plus crédules. Il en est ainsi du WiiConnect24, des chaînes Wii, voire de la Virtual Console. Et de la Wiimote aussi, mais c’est déjà plus soumis à controverse.


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Enfin, troisième phase : assurer un bon lancement, avec ce qu’il faut de marketing judicieux. Outre la campagne de promotion en elle-même, efficace, arrêtons-nous un instant sur le pack Wii Sports. Obliger les joueurs à avoir Wii Sports chez eux (sauf au Japon, allez savoir pourquoi), c’est utiliser la meilleure pub qui soit à peu de frais : le bouche à oreille. Tout le monde a en tête l’exemple d’un proche, qui n’avait jamais touché un pad il y a un an encore, racontant son bon moment passé sur Wii Tennis chez des amis. Inutile de préciser qu’un pack Zelda, par exemple, n’aurait pas eu le moindre effet en termes d’élargissement du marché. Et puis, inclure une démo, ça aide à faire passer la pilule des 249€.



Résumons-nous : sur « ses » deux consoles, Iwata a appliqué les mêmes recettes, découlant du même constat, et semble connaître le même succès. Ce New Deal à la sauce Iwata a fait passer son entreprise d’un statut de quasi-moribond à moyen terme à celui de troisième capitalisation boursière de la seconde économie mondiale. Son entreprise est plus rentable que jamais, son avenir semble radieux. Il peut sans honte prétendre au titre de meilleur PDG du secteur. En tant qu’actionnaire, votez-lui une belle prime de fin d’année, votre Mercedes le lui doit bien. En tant que joueur, il est par contre probable que vous regrettiez que cette évolution se fasse au détriment du public traditionnel, qui n’est clairement plus le cœur de cible de la firme de Kyoto... Boursicoteur plein aux as ou joueur cocu : choisis ton camp, camarade !



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